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Festival Théâtral en vue : Rencontre avec Jean-François Gabillet
Festival théâtral, Entretiens-Portraits 2 retours »Un printemps sans théâtre, sans Festival Théâtral à Coye-la-Forêt, cela ne s’était pas vu depuis… depuis… bientôt quarante ans… 1982 ! Le festival annoncé rendait les hivers moins gris et dans l’agenda de la nouvelle année on s’empressait d’en noter les dates pour être sûr qu’on serait bien là à Coye-la-Forêt au mois de mai.
L’ordre des choses fut bouleversé, et il ne fallut pas moins qu’une pandémie pour vider le mois de mai de son habituelle coloration. Toutes les festivités du printemps furent annulées, brocante, fête de la musique, feux de la Saint-Jean…
Mais, ô surprise, le festival résista – le théâtre est décidément une résistance. Et sur l’affiche on vit bientôt paraître le mot « reporté en septembre », et non le fatidique « annulé » qui sévissait ailleurs. La fête du théâtre serait donc pour l’automne. Rien n’était perdu !
Pour tout savoir sur ce petit miracle, la rédaction a rencontré Jean-François Gabillet, président de l’association du Festival Théâtral.
de Jean-Pierre Siméon
Coproduction Atelier Acte II et Tous en scène
Mise en scène : Rémy Chevillard
Samedi 16 novembre
La soirée du samedi 16 novembre au Centre culturel, organisée par l’association Solidarité Coye, a été un vrai cadeau. Cadeau du théâtre à la solidarité, puisque la troupe Tous en scène offrait à l’association pour ses actions en faveur des réfugiés la représentation de « Stabat mater furiosa ». Et cadeau aux amateurs de théâtre, d’un spectacle qui venait de remporter le premier prix – La Tour d’or – au Festival national de théâtre amateur de Saint-Cyr-sur-Loire.
« Stabat mater furiosa » c'est d'abord un poème de Jean-Pierre Siméon, qu’il date lui-même du 19 août 1997, à Saïda, au Liban, un monologue en vers libres, sans ponctuation, comme une réponse au « Stabat mater dolorosa » – prière catholique du XIIIe siècle – source d’inspiration de tant d’œuvres artistiques qui figurent ou font entendre la souffrance d’une mère au pied de son fils crucifié.
En réponse aux pleurs de celle qui vit la mort du fils, blessée à jamais, voici le cri d’une femme, sa révolte, sa colère, son refus de comprendre que l'enfant qu'elle a nourri et bercé, le frère avec qui elle a partagé les jeux de l'enfance, le père protecteur qu'elle a aimé sont devenus des hommes porteurs de mort, des hommes de guerre, qu’ils ont été capables d’être des bourreaux et de jeter aux chiens l’amour qu’ils avaient reçu et donné.
Elles reviennent victorieuses de Touraine les sept femmes qui ont ressenti, dit, craché et crié leur colère contre la violence des hommes et leurs barbares combats.
Elles reviennent victorieuses d’avoir joué, les sept comédiennes qui ont incarné le magnifique poème de Jean-Pierre Siméon, STABAT MATER FURIOSA, dirigées par Rémy Chevillard qui assura la mise en scène avec brio.
Sélectionnée au printemps pour représenter la Picardie au 35e Festival national de théâtre amateur qui s'est déroulé à Saint-Cyr-sur-Loire (agglomération de Tours) du 26 octobre au 2 novembre, la troupe Atelier Acte II rentre dans l’Oise nantie de la récompense suprême, La Tour d'or.
De Jean-Claude Grumberg
Mise en scène : Isabelle Domenech
Dès le début de la pièce, nous sommes entraînés dans un dialogue absurde entre le directeur d’une maison de retraite (Jean Truchaud) et le fils (Antony Goulhot) d’une résidente (Claudine Deraedt) dont la mémoire est très déficiente. Le directeur est obnubilé par ses problèmes de budget et gestion de personnel ; le fils est désemparé par l’état de sa mère qui ne le reconnaît pas et qui a des problèmes de cohabitation avec ses voisins de couloir. Le dialogue entre les deux hommes est très rapide et, quoique tragique, puisqu’il y est question des dégradations causées par l’âge, devient un échange à la Louis de Funès dont l’humour détend l’atmosphère. Le contraste est fort avec la souffrance de cette vieille femme perdue qui a parfois des éclairs de souvenirs d’un traumatisme d’enfance : par petites touches discrètes sont évoqués peu à peu les camps de concentration et les privations, les médecins sadiques et sa fuite désespérée avec sa mère dans une forêt, poursuivies par les nazis et leurs chiens.
De Marguerite Duras
Mise en scène : Guillemette Laurent
D’emblée le public est surpris par une mise en scène originale (de Guillemette Laurent) où les acteurs lisent le scénario, se positionnant à l’extérieur du jeu de théâtre, comme les protagonistes se posent d’abord en dehors de leur histoire à travers la distance palpable que les êtres humains mettent entre eux pour se protéger de leurs sentiments.
C’est drôle et sensible grâce au jeu des acteurs et le public partage leur impatience à aller plus loin dans l’histoire et à entrer dans l’intimité qui fut la leur et que l’on perçoit immédiatement comme douloureuse.
De John Millington Synge
Mise en scène : Patrick Alluin
Quelques chaises, deux tonneaux, une planche, des caisses de Guinness et, sur le comptoir improvisé, une bouteille de whiskey. Il n’en fallait pas plus pour camper sur la scène du Centre culturel de Coye-la-forêt une Irlande catholique empreinte d’une profonde ruralité coincée dans les couloirs du temps.
Un soir de pleine lune et de veillée mortuaire où s’apprêtent à aller fêter la Vie, la Mort, tous les hommes avinés du village, surgit dans ce pub – épicerie-tabac oublié sur sa colline, Christy Mahon, un jeune paysan épuisé et apeuré. Il vient de tuer son père d’un coup de bêche et a pris la route pour échapper aux « casqués » d’une police que l’on imagine britannique.
Compagnie Kulunka Teatro (Espagne)
Mise scène : Iñaki Rikarte
Une pièce originale et bouleversante !
Au festival de Coye, les pièces se succèdent mais ne se ressemblent pas. Après avoir apprécié la langue épurée de Racine (Britannicus), le spectateur demeure médusé par la création du Kulunka Teatro : André et Dorine.
Pas de texte, pas d'échange de mots ; seuls des gestes et des mouvements corporels, des expressions mises en valeur par de subtils éclairages. Les comédiens portent des masques en caoutchouc grotesques, certes, mais qui n'occultent pas leurs émotions ni leurs sentiments.
Ils déclinent l'histoire d'un vieux couple figé dans ses habitudes. Lui, écrit, elle, joue du violoncelle. Le cliquetis lancinant de la machine à écrire s'accorde mal avec le rythme décalé de la musicienne. Dorine s'obstine à tenir son archet à l'envers! Signe précurseur de la terrible maladie qui l'attaque...
Des tableaux tragi-comiques s'enchaînent : l'arrivée du fils et l'échange amusant des cadeaux qui accentue encore le fossé entre les générations, la consultation médicale où un patient miteux, rongé par les puces, distrait le spectateur du diagnostic impitoyable. Alzheimer ! André refuse d'y croire.
Compagnie Kulunka Teatro (Espagne)
Mise scène : Iñaki Rikarte
Un petit salon simple mais coquet, sur les murs les photos des moments intenses de leur vie, une étagère où reposent des livres, un violoncelle, voilà le décor dans lequel évoluent André et Dorine qui entrent peu à peu dans l’hiver de leur vie.
« Elle » et « Lui » semblent ne plus se conjuguer avec « Nous ». Le couple ne se supporte plus. Le bruit de la machine à écrire d’André agace profondément Dorine, les accords du violoncelle exaspèrent André. La seule visite qu’ils reçoivent est celle de leur fils unique, un peu las des écrits de son père et des tricots pourtant confectionnés avec amour par sa mère.
Mais ce « Toi et Moi » qui longtemps les avait unis dans la tendresse du « Nous » revient peu à peu lorsque l’impitoyable maladie d’Alzheimer frappe Dorine. Alors leur complicité du meilleur revient avec le pire. André est là, présent pour lui tenir la main, la rassurer de sa présence en ce moment délicat.
d’après Molière
Compagnie Tabola Rassa
Mise en scène de Miquel Gallardo et Olivier Benoit
Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis la toute première représentation de « l’Avare », comédie de Molière, en 1668 au Théâtre du Palais Royal.
Depuis quelques années maintes versions modernisées nous ont été versées, Molière étant intemporel. Mais l’adaptation de Tabola Rassa, d’une grande originalité fera couler beaucoup d’encre tant elle est loufoque.
Voilà une grande farce sur trame du texte du grand maître où l’or si cher à Harpagon est remplacé par l’eau, un bien qui nous est de plus en plus précieux et qui avec la pollution et le réchauffement climatique risque de devenir denrée rare. Il nous faut donc l’économiser.
Dans la mise en scène de Miquel Gallardo, point d’acteurs. Olivier Benoît et Jean Baptiste Fontanarosa manipulent avec brio des marionnettes composées de chiffons et d’articles divers de plomberie (tuyaux, robinets, syphons etc.) et prêtent leurs voix sous différentes intonations aux personnages, ceci avec une grande virtuosité.
d’après Molière
Compagnie Tabola Rassa
Mise en scène de Miquel Gallardo et Olivier Benoit
Critiques des collégiens de l’atelier théâtre
du collège Françoise Dolto de Lamorlaye :
Cet Avare remis au goût du jour est à la fois humoristique grâce aux jeux de mots comme « on m’a coupé le tuyau », et brillant par le talent des comédiens pour stimuler l’imagination et l’anthropomorphisme nous permettant de donner une apparence humaine à des robinets. (Ella)
Le fait d’employer des marionnettes pour jouer cette pièce est assez original. De ce fait, les marionnettes étant des tuyaux, les comédiens peuvent placer certaines références à la plomberie en réécrivant le texte de Molière. Je pourrais recommander cette pièce aux amateurs de spectacles comiques qui ne s’attachent pas trop à la réalité car les personnages ne sont que des robinets. J’ai beaucoup de respect pour les comédiens qui ne sont que deux à interpréter tous les personnages. (Shana)
Texte et mise en scène de Gilbert Ponté
Avec Malyka R. Johany
Tout commence par un lever de soleil sur la mer et un chant africain. La voix est mélodieuse, ensorcelante. Puis Samia apparaît. C’est elle qui chantait. Maintenant elle nous raconte son histoire, la mime, la chante à nouveau. C’est une histoire terriblement douloureuse. Douleur de l’athlète à l’entraînement, douleur de la fille dont le père a été tué, douleur de devoir se cacher parce que femme, douleur du départ, douleur du voyage long, long… contrebalancées par l’espoir de pouvoir s’entraîner, simplement.
Chacun des mots sonne juste, l’émotion est là, et même sans comprendre les paroles des chansons, on sait si elles expriment la joie, la colère, la résignation ou la révolte.
Malyka R. Johany a des talents fous. Son incarnation de Samia Yuzuf Omar permet de faire revivre cette sprinteuse présente aux Jeux Olympiques de Pékin, de lui rendre hommage, de ne pas l’oublier. Vaincre l’anonymat des morts en Méditerranée, telle était la gageure. Bravo.