Catégories: "Théâtre"
Les élèves des classes primaires du Domaine des Trois châteaux sont venus, comme chaque année, au Festival théâtral. Sous l’impulsion de leurs enseignants, ils ont dessiné et peint les souvenirs des deux représentations auxquelles ils ont assisté. C’est ainsi qu’une exposition colorée de leurs œuvres a égayé le couloir de l’école pendant le mois de juin. Aurélia de la Taille a accepté de nous accueillir dans sa classe qui regroupe trois élèves de préparatoire qui ont vu « Chapeau, Perrault », et une dizaine de CM1 qui ont assisté à la représentation des « Contes de Ionesco ». Tous ont été ravis de s’exprimer et de montrer leurs dessins.
Après deux semaines de fête, il y a toujours un air de nostalgie quand arrive le dernier soir. C’est fini. C’est fini, cette fébrilité un peu angoissante juste avant l’ouverture de la pièce… fini l’éclair de pensée qui vous traversait dans la journée… au travail… en voiture, dans le jardin : « Ce soir, je vais au théâtre. » Finie la gaieté de retrouver vos voisins de théâtre. Finis les dîners vite expédiés pour arriver en avance et profiter des airs d’accordéon ou de saxo, finies les dégustations de crêpes, d’accras, de cuisine végétarienne, de tartes, de cakes, de gâteaux… Et surtout, fini le théâtre, cette espèce de miracle éphémère qui fait que, devant nous, la vie se joue autrement et qu’on y croit.
Fini. C’est Jean-François Gabillet qui le dit. Sur la scène dans les décors blancs de l’« Hôtel des deux mondes », il joue sa partition de président : c’est l’heure du bilan. L’assistance est nombreuse, joyeuse, les acteurs de La Lucarne sont là, la tête encore pleine des applaudissements reçus, les familles, les amis, les bénévoles, les fidèles du Festival qui ne manquent pas un spectacle, les conseillers municipaux, la régie…
« J'étais seul, l'autre soir, au Théâtre Français,
Ou presque seul ; l'auteur n'avait pas grand succès.
Ce n'était que Molière, et nous savons de reste
Que ce grand maladroit, qui fit un jour Alceste,
Ignora le bel art de chatouiller l'esprit
Et de servir à point un dénoûment bien cuit.
Grâce à Dieu, nos auteurs ont changé de méthode,
Et nous aimons bien mieux quelque drame à la mode
Où l'intrigue, enlacée et roulée en feston,
Tourne comme un rébus autour d'un mirliton. »Alfred de Musset
Etonnant, vous ne trouvez pas ? De plus, écrit par Alfred de Musset !
Ce texte, je l’ai retrouvé dans un de mes cahiers de collège, j’avais quinze ans, je ne comprenais pas.
Peut-on être un très grand auteur au XVII° siècle et moins que rien deux siècles plus tard ?
A peine le Théâtre en stock a-t-il dit ses derniers mots sur Charles Perrault, que les régisseurs entrent en scène. Ce mardi 2 juin à 11 heures, c’est la fin du 34° festival.
Momo, le régisseur de la troupe invitée, regroupe les accessoires, embarque la malle et le fauteuil dans le camion. En même temps, l’équipe de régie du Festival a sorti la tour de son enclos, adossé les échelles et commencé le décrochage des projecteurs et l’enroulement des câbles. Tous les techniciens sont réunis pour une dernière partie qui se jouera en deux heures. Les câbles de l’extérieur qui ont servi à permettre la cuisson des crêpes ou la friture des accras ne sont plus là, la bannière Festival Théâtral ne flotte plus à côté des drapeaux. Franck Martin, le régisseur général, a déjà fait un premier transport de matériel jusqu’à son entrepôt. Il ne reste qu’à faire la photo de famille sur le plateau.
D’Éric-Emmanuel Schmitt
Théâtre de La Lucarne
Mise en scène : Serge Vinson
Le Théâtre de La Lucarne clôt les soirées du 34° Festival sous les applaudissements enthousiastes d'une salle comble. Succès donc pour Serge Vinson qui a assuré la mise en scène et créé un décor étonnant, ainsi que pour les comédiens, convaincants et alertes.
Éric-Emmanuel Schmitt situe l'action dans la « salle de réception d'un hôtel ».
Ici, le choix scénographique confronte le spectateur, dès l’ouverture du rideau, à un univers énigmatique, hors du temps, hors du monde. Tout sauf un hôtel, même si la pièce ressemble à un salon confortable, avec fauteuils, table basse, bureau d’accueil. Plutôt une unité de soins psychiatriques ou un hypothétique salon d’accueil avant bloc opératoire. Car les lieux sont blancs, murs blancs capitonnés, mobilier blanc, blouses blanches, cela sent l’asepsie. Le spectateur, intrigué, devine peu à peu qu’il se trouve dans un endroit qu’aucun visiteur ne décrit, à plus forte raison s’il n’en revient pas, car on peut ne pas revenir de ce cocon blanc. Quelques carnets de voyage, laissés par ceux qui ont pu obtenir un aller et retour, en ont tenté une description, mais les témoignages ne sont pas concordants et la vérification impossible. Car c’est du coma qu’il s’agit. Le coma, un hôtel où séjournent ceux qui attendent.
D’après Charles Perrault
Compagnie : Théâtre en stock
Mise en scène : Jean Bonnet
Un présentateur nous invite à entrer dans la forêt des contes.
La salle, autre forêt peuplée de deux centaines de petits poucets, frémit déjà.
Et sur la scène surgit une jeune fille en doudoune rouge. Elle chante un air anglais ; puis vient un monsieur, très gai qui danse avec un parapluie et chante jazzy ; coup de chapeau enfariné : c’est un grand père. Il s’installe pour lire le « canard enchaîné ». On voit bien qu’il aime rire. Elle, la petite-fille, lui réclame des contes, bien sûr. On en arrive à Perrault « un opposant de Boileau dans une fameuse querelle ». Et voilà que le train des contes se met en branle.
Le Petit Chaperon rouge suivi du Petit Poucet, qui amène le Chat Botté, puis Grisélidis, et la Belle au bois dormant, les Fées, Riquet à la houppe, les Souhaits ridicules, Cendrillon, Peau d’âne, et le tant attendu et redouté Barbe Bleue. Onze contes d’un coup.
de Fabio Gorgolini et Fabio Marra
Compagnie Teatro Picaro
Mise en scène : Fabio Gorgolini
Le théâtre nous fait rêver, dit-on. Et qu’est-ce qu’un rêve sinon un voyage très particulier dans les espaces étranges et vaguement familiers des désirs enfouis, un récit instable d’images qui cherchent à nous parler de ce que nous pressentons en nous-mêmes.
Précisément, le spectacle Prêt-à-partir, comme Le Capitaine Fracasse, nous fait rêver car il parle d’emblée du voyage : celui des comédiens d’une époque ancienne qui pourrait être, au vu des costumes (très réussis), celle de Molière, le temps où l’«Illustre Théâtre» se déplaçait dans le Midi de la France en tournées aussi difficultueuses qu’impécunieuses.
De David Harrower
Collectif IMPAKT
Mise en scène : Jérôme de Falloise, Sarah Lefèvre et Raven Ruëll
Sur le sujet sulfureux, fascinant et d’actualité, de la pédophilie et de la sexualité des enfants, le texte de David Harrower échappe à tout goût du sensationnel, tout didactisme et tout moralisme : il en fait un véritable texte de théâtre, en travaillant subtilement les conflits passionnels et sociaux qui traversent les personnages et en créant une forte tension dramatique, qui joue sur les heurts, les retournements et les surprises.
Qu’une très jeune fille s’enflamme pour un homme de l’âge de son père n’a rien de rare ; qu’ils en viennent à des relations sexuelles ne l’est sans doute pas, la loi – d’aujourd’hui, dans nos pays occidentaux – appelle cela détournement de mineur, abus sexuel. Le terme pédophilie désigne la déviance de l’adulte qui manifeste une préférence sexuelle pour des enfants. Il y a une différence entre ces deux situations, même si la société confond les deux. Toute la tension dramatique de notre pièce repose sur cette question : amour sincère pour un individu mineur consentant ou pédophilie, attirance prédatrice pour des enfants ?
De Stefan Zweig.
Cie Carinae et Atelier Théâtre Actuel.
Mise en scène d'Elodie Menant.
Il est coutumier de dire que le xxe siècle s'ouvre avec la guerre de 14. Ainsi la nouvelle de Stefan Zweig, écrite en 1913 (quoique publiée en Autriche en 1920) appartient au XIXe, au temps où les femmes de la bourgeoisie aisée ne travaillaient pas, se déplaçaient en fiacre et portaient des robes longues. L'écriture aussi est datée. Il s'agit d'un très court roman dans le style où Stefan Zweig excellait, avec une analyse psychologique fine et fouillée, décrivant les tourments d'une épouse infidèle en proie au harcèlement de plus en plus pressant d'une femme qui exerce sur elle un chantage qui ne cesse d'être plus exigeant : se faisant extorquer des sommes d'argent toujours plus importantes et n'osant en parler à son mari car il lui faudrait avouer sa faute, elle entre dans une spirale infernale de peur, de mensonge et de culpabilité et s'y enfonce inexorablement.
Brave Stefan Zweig,
Compagnon des mauvais jours,
Qu’as-tu subi pour si bien connaître
La cruauté de la loi du plus fort ?
Le chat paraît si doux
Quand il joue avec l’oiseau.
Comme il était fort et beau ce soir ce brave homme,
Superbe mygale masculine,
Enfermant dans sa nasse doucereuse
Sa poupée enfantine.
Cocon de bave venimeuse
Adroitement tissé
Par un gentil baveux du barreau,
Qui tue lentement sa victime
Prise à la glue intime de sa culpabilité.
De Christophe Moyer
Mise en scène de Christophe Moyer
Compagnie Sens Ascensionnels
Une fable sur l’équilibre et le déséquilibre du monde. Disons, plutôt du déséquilibre. Car l’équilibre, on l’attend. Mais l’auteur du spectacle, Christophe Moyer, est un optimiste, il ne laisse pas le spectateur quitter la salle le désespoir au cœur. L’équilibre peut se trouver…
Dans une volonté d’exprimer ses inquiétudes, ses refus et ses désirs quant à la marche du monde, Christophe Moyer met le théâtre au service de son engagement. Comme écrivain, metteur en scène, comédien, il veut « questionner notre monde en tentant de faire se rencontrer les notions de spectacle et d’engagement ».
Comment ? Par une fable. L’histoire gentille et amusante du peuple des Zoblics, condamnés à vivre sur une terre en pente, car le lac auprès duquel ils habitaient s’est vidé de son eau, et leur terre s’est mise à pencher. Trop d’un côté, pas assez de l’autre.