Catégories: "Théâtre"
d’après les textes de Grisélidis Réal
Théâtre de Suresnes
Mise en scène et interprétation de Coraly Zahonero
Dans la série « portraits de femmes », le festival de Coye nous a gâtés, ce mercredi 17 au soir ! Coraly Zahonero, sociétaire de la Comédie-Française, a fait découvrir, par son texte et son jeu, Grisélidis Réal à un public nombreux, attentif d’abord, ému ensuite et enfin transporté.
Grisélidis a écrit (un roman, de très nombreuses lettres, des poèmes), Grisélidis a peint et illustré, Grisélidis s’est prostituée, Grisélidis a parlé et milité, Grisélidis est allée en prison, Grisélidis a été mère de quatre enfants.
Que de beauté et de poésie au service d’une pratique sociale avilissante ! C’était comme ces films de guerre qui nous racontent combien la guerre est jolie.
Certes les poètes du temps jadis ont chanté les courtisanes et les hétaïres des maisons closes et des établissements « de plaisir », derniers refuges de leur virilité. Certes ils ont mis leur talent à faire fleurir les fleurs du mal pour alimenter leurs fantasmes de domination et de vengeance. Mais tout ceci paraît bien désuet.
Aller trouver les mots enflammés d’une écrivaine remarquable, d’une artiste méconnue, d’une peintre admirable pour soutenir cette morale bien-pensante de la prostitution raisonnée, de la bonne vieille tolérance acceptable, n’est-ce pas une tromperie ? En tous cas, c’est le contraire d’un raisonnement révolutionnaire !
Grisélidis, papier grisé de tes plus beaux écrits, je te lis,
Grisélidis, la vie glisse chaude et vibrante
Entre tes doigts dans le soir violet.
Si belle en ton fourreau de nuit,
Dame des âmes perdues
Tu trimes et tu t’éreintes.
Grisélidis, j’ai lu les peines d’un petit bossu,
Les tiennes aussi quand dans ton paradis tu l’as reçu.
La nuit répare le jour quand elle y met de l’amour.
de Julien Luneau d’après le Traité sur la tolérance de Voltaire
Compagnie Grand Théâtre
Mise en scène d'Étienne Luneau
La Compagnie Grand Théâtre choisit de mettre en scène l’un des combats les plus célèbres de Voltaire contre le fanatisme et l’intolérance : L’Affaire Calas.
En l’an 1762, à Toulouse, un père de famille de religion protestante — Jean Calas — est accusé sans preuve du meurtre de son fils et condamné à mort pour l’exemple. En effet, l’affaire est pilotée par l’Église catholique et ses représentants désireux d’éradiquer le protestantisme bien implanté dans le sud de la France.
Julien Luneau, qui s’appuie sur des textes d’archives, nous fait revivre les circonstances de cette tragédie : manipulations, faux témoignages, procès, châtiment, réhabilitation trois ans plus tard grâce au combat de Voltaire dont les lettres et pamphlets ont volé jusqu’à Frédéric II de Prusse avant de joncher la scène du Grand Théâtre.
Ils avaient la rage au cœur, les oiseaux moqueurs.
Ce soir-là, les saltimbanques jonglaient
Avec les mots d’horreur, les anathèmes, les fanatismes,
Les blasphèmes et les obscurantismes.
Les saltimbanques jonglaient si bien
Que des foules avides
Se mettaient à peupler des tas de chaises vides.
C’était alors un siècle si sombre
Qu’il a bien fallu Voltaire pour allumer une petite lumière.
de Fabio Alessandrini
Compagnie Teatro Di Fabio
Mise en scène de Fabio Alessandrini
Est-il possible de représenter au théâtre le fonctionnement de l’inspiration d’un écrivain ? Par quelles sortes de pensées, de mouvements, d’états, voire de tourments, passe-t-il pour construire et écrire un roman ?
Pour notre plaisir et pour nourrir notre questionnement, Fabio Alessandri s’est attelé à cette tâche a priori difficile à mettre en spectacle : il y a visiblement pris lui-même beaucoup de joie intellectuelle et, au fur et à mesure de son élaboration, y a probablement découvert des aspects qu’il ne s’attendait pas à y trouver.
Que nous montre-t-il ? D’abord, du son et des images. Une scénographie magnifique dans sa sobriété blanche et noire. Un tapis blanc brillant qui traverse la scène en oblique pour se relever côté jardin en écran de lames verticales. Au fond, le noir des rideaux. Le visuel de l’écran est fondé sur la projection vidéo de graphismes ondulés vibrant dans un environnement sonore tantôt énigmatique et sourd, tantôt tempétueux et éclatant.
de Molière
Compagnie Le Homard bleu
Mise en scène de Matthias Fortune Droulers
Une étonnante mise en scène de Mathias Fortune Droulers et la fulgurance des acteurs nous transportent chez le « Bourgeois gentilhomme », comédie-ballet qui fut jouée pour la première fois le 14 octobre 1670 devant la cour de Louis XIV au château de Chambord.
Dans cette comédie, Molière prend pour cible un riche bourgeois qui s’évertue à devenir un homme de qualité en essayant de se hisser à la hauteur de la noblesse. Pour ce faire il n’hésite pas à en épouser tous les aspects, utilisant toute une foule d’individus plus attirés par l’argent que par l’art qu’ils sont censés représenter.
Mots, cris, rires mordants,
Cabrioles de vieux enfants,
Gerbes de couleurs et de vieilles douleurs,
Pleine lumière sur la noirceur
De l’argent corrupteur.
Moqueries, rires à pleine dents,
Le roi bourgeois a perdu sa chemise
Ses oreilles raisonnent encore
Des mensonges et des traîtrises.
de Loleh Bellon
Théâtre de La Lucarne
Mise en scène d'Isabelle Domenech
Avec Claudine Deraedt : Sonia
Michaël Pastorelli : Victor
Claude Samsoën : Marie
Isabelle Jacquet : Hélène
Pierre Debert : Jean
Heureux hasard : cette pièce qui ouvre le 36ème Festival de Coye s’insère aussi dans l’air culturel du temps : « portraits de femmes », thème porté en ce moment même par plusieurs associations partenaires.
Car c’est de femmes qu’il s’agit : l’auteure d’abord, Loleh Bellon, que certains spectateurs m’ont dit avoir connue, la metteuse en scène, Isabelle Domenech, qui nous livre sa première œuvre, saluée par un public enthousiaste : la scène est meublée sobrement et efficacement, avec son papier peint fleuri, son sofa éculé et son lampadaire des années 50 ; les éclairages ont été finement pensés pour servir la pièce : des flash donnent le signal des… flashback, à chaque fois que les Dames replongent dans leur passé, leurs souvenirs d’enfants, leurs blessures ; les acteurs se déplacent dans l’espace qui se redécoupe sans cesse en mini-scènes du présent et du passé.
Dérives des vies, mollesse des jours,
Rivières de mots lestes et courts.
Sur les rives de leurs discours,
Elles laissent s’endormir les rêves trop lourds,
Épaves de souvenirs, vieux mots d’amour.
Hier, la nostalgie était amère.
Tourbillons de tantes, de filles, de mères,
De désirs de femmes adultères
Et de regrets de vieilles célibataires.
d'après Jean de La Fontaine
Compagnie Tabola rassa
Mise en scène de Olivier Benoit
La salle est pleine ! Pleine de collégiens bruyants, remuants, piaillants. Ça va être difficile de ramener le calme dans cette ambiance de cour de récréation.
Dans la pénombre qui est descendue sur scène, un sac en plastique flotte dans l'air. Les enfants y voient-ils un fantôme ? Ils poussent de grands cris. Quand la musique s'installe, ils frappent dans leurs mains.