Catégorie: "Olivier Sa Muse"
de Cédric Chapuis
Cie Scènes plurielles
Mise en scène de Stéphane Batlle
La réalité n’est pas normale.
Il y a des soirs comme ça qui nous font regretter
De s’être conformé aux rêves de la société,
Aux désirs des familles, des parents angoissés,
Et aux envies faciles, en service commandé.
La vie nous trompe.Les bons conseils ne servent qu’à ceux qui vous les ont donnés.
La loi est souvent celle des hordes et des meutes,
De ces gens qui se ressemblent pour se rassurer,
De ces gens qui se rassemblent dans les cris et l’émeute,
Mais qui dorment seuls avec leurs rêves sur l’oreiller.
de Michel Vinaver
Théâtre de la Lucarne
Mise en scène d’Isabelle Domenech
PAR LE VERRE TERNE DE LA LUCARNE.
Des petits yeux et des petits visages qui enfilent les jours, les phrases, les images,
Et des mots gris qui coulent de lèvres qui pleurent et de leurs bouches qui rient.
Les univers ne changeront jamais le désespoir, depuis le temps qu’on s’habitue,
L’ordre social, c’est comme une boite, depuis le temps qu’on ne croit plus,
Que de beauté et de poésie au service d’une pratique sociale avilissante ! C’était comme ces films de guerre qui nous racontent combien la guerre est jolie.
Certes les poètes du temps jadis ont chanté les courtisanes et les hétaïres des maisons closes et des établissements « de plaisir », derniers refuges de leur virilité. Certes ils ont mis leur talent à faire fleurir les fleurs du mal pour alimenter leurs fantasmes de domination et de vengeance. Mais tout ceci paraît bien désuet.
Aller trouver les mots enflammés d’une écrivaine remarquable, d’une artiste méconnue, d’une peintre admirable pour soutenir cette morale bien-pensante de la prostitution raisonnée, de la bonne vieille tolérance acceptable, n’est-ce pas une tromperie ? En tous cas, c’est le contraire d’un raisonnement révolutionnaire !
Ils avaient la rage au cœur, les oiseaux moqueurs.
Ce soir-là, les saltimbanques jonglaient
Avec les mots d’horreur, les anathèmes, les fanatismes,
Les blasphèmes et les obscurantismes.
Les saltimbanques jonglaient si bien
Que des foules avides
Se mettaient à peupler des tas de chaises vides.
C’était alors un siècle si sombre
Qu’il a bien fallu Voltaire pour allumer une petite lumière.
Mots, cris, rires mordants,
Cabrioles de vieux enfants,
Gerbes de couleurs et de vieilles douleurs,
Pleine lumière sur la noirceur
De l’argent corrupteur.
Moqueries, rires à pleine dents,
Le roi bourgeois a perdu sa chemise
Ses oreilles raisonnent encore
Des mensonges et des traîtrises.
Dérives des vies, mollesse des jours,
Rivières de mots lestes et courts.
Sur les rives de leurs discours,
Elles laissent s’endormir les rêves trop lourds,
Épaves de souvenirs, vieux mots d’amour.
Hier, la nostalgie était amère.
Tourbillons de tantes, de filles, de mères,
De désirs de femmes adultères
Et de regrets de vieilles célibataires.
Huis clos cocasse étouffant
Atmosphère terreuse
Globe sanglant
La terreur fracasse
Les bons sentiments
Brave bourreau esthète raffiné
Sanglé dans son bon droit
Et sa juste colère
Violence bonasse
Les croix gammées seront lavées
Du sang des opprimés
La culpabilité des victimes
Leur montait au front
Et distillait la haine
Brave humanité, ce n’est pas l’honnêteté qui t’étouffe.
Hier soir, on a vu la pensée agile
Donner en pâture au théâtre gourmand,
Des mots doux et croquants que même l’opéra bouffe.
L’artiste équilibriste surprenant
Se prenait la langue à ses propres mots,
Glue dans les yeux du serpent qui fixe l’oiseau.
Fascination vertigineuse, folie pure et raison furieuse,
Hier soir, le théâtre mentait vrai.
Le public riait de lui-même,
Honteux de ce qu’il aime en secret.
Petite foule de bons benêts,
Navrée de ne pas avoir les grands mots vides,
Les phrases lourdes et splendides,
Pour habiller la nudité de leurs petites vérités.
Confortables délires, mensonges candides,
Grâce à eux, l’avenir se comprend.
Sans préambule, ni calcul,
On y apprend, ce n’est pas nul,
Que le ridicule tue !
On se moque de ces homoncules
Qui s’agitent en faisant des bulles
À tu et à toi, à cul et à chemise,
Ils disent des histoires de gros zizi-cul.
Le ridicule tue et re-tue!
Mais qu’elle est bonne, ma roumaine !
On la désire et on l’adule.
On voudrait massacrer
Cette petite bande de minuscules,
Des barbus paillards qui l’acculent
A une médiocrité mécanisée.
Petite humanité fade, tu accumules nos esclaffades
Pour te faire pardonner.
Que vaut un enfant sur cette terre ?
Demandait Brecht
En criant au vent d’hiver,
A l’écho des montagnes, à la folie des guerres,
A la bêtise des gens et aux fleurs du printemps.
Que vaut un enfant sur terre ?
Demandait Brecht à cette bande de grands enfants,
Chants et danses, cris et grimaces,
Cette bande de grands enfants
Qui se jouaient de leurs corps et de leurs vies
En livrant dans la lumière crue,
Leurs cœurs sanglants
Aux gens dans le noir,
A ceux qui reçoivent les mots d’espoir en tremblant.
Tu es tango-tango, tu es tango, Ionesco,
Tu es tango-tango, dans l’argot déjanté
Des gens qui prennent des bateaux,
Des gens qui dansent en duo,
Des gens qui aiment les cargos !
Tu es tango-tango, tu es tango, Ionesco,
Tu es tango-tango, dans le cerveau fêlé
Des gens qui deviennent marteau,
Des gens qu’entendent des altos,
Des gens qui sont des bourreaux !
Tu es tango-tango, tu es tango, Ionesco,
Tu es tango-tango, dans le corps déchiré
De celles dont le corps trop beau,
De celles qu’on perce de couteaux,
De celles qu’on découpe en morceaux !