De Lyonel Trouillot
Mise en scène : Rémy Chevillard
Dimanche 19 juin à 17h, l’association « Tous en scène » présentait salle Claude Domenech la création d’un spectacle conçu autour d’un poème de Lyonel Trouillot , Le doux parfum des temps à venir, interprété par Jacqueline Chevallier, comédienne et par sa nièce, Flora Chevallier, violoncelliste.
(Lyonel Trouillot est un écrivain haïtien, né en 1956, professeur de littérature, journaliste, fondateur de revues ; il a écrit des textes de chansons interprétées notamment par Toto Bissainthe et a publié chez Actes-Sud plusieurs romans dont certains ont reçu des prix littéraires internationaux).
Depuis quelques semaines les Coyens se préparaient : on fouillait placards, caves, garages, greniers pour y trouver de quoi remplir le stand de la brocante réservé depuis mars. Cette année c'était décidé, la collection de petites voitures anglaises allait y passer.
Car c'est une aubaine, la brocante. Tous ces objets accumulés, les vêtements trop petits, passés de mode ou dont on s'est lassé, les bibelots que plus aucun meuble de la maison ne peut supporter, les vinyles qu'on a laissés dans un carton et les livres qu'on ne veut plus ouvrir vont enfin vider les lieux. Normal, il faut de la place pour les nouveaux, l'encyclopédie de la musique, la taupe en plâtre ou la robe de chambre vieux rose pur synthétique.
Cérémonie d’ouverture
Un moment magnifique ! Vendredi 3 juin, 300 enfants sur le stade, les deux écoles réunies, Centre et Bruyères, aux couleurs de huit pays, enseignants, professeur de sport, parents, maire et maire-adjointe, conseillers municipaux. Tous rassemblés autour du projet, faire vivre les Jeux Olympiques à Coye-la-forêt, comme un prologue à ceux qui se dérouleront l’été au Brésil.
Blanc la Grèce, vert les USA, orange le Kenya, jaune l’Australie, bleu la France, noir la Chine, violet le Royaume-Uni, rouge le Brésil. La fête des couleurs un gris matin de juin. Chaque athlète arbore la couleur de son équipe, un même tee-shirt pour tous, enseignants et encadrement inclus. Sur la pelouse bien verte du stade c’est une vraie joie pour les yeux.
De Matei Visniec
Théâtre de l’Exil – Calliope
Mise en scène : Christian Besson
Le choix est cornélien : Au moment où l’équipe de France en pleine reconstruction affronte l’Écosse, en province loin des inondations sociales et météorologiques, sous le regard narquois d'une majorité qui ne sait plus à quel saint se vouer... ; en pleine contre révolution où la barbarie des élites fait jour face au jusqu’au boutisme des masses défavorisées exclues du bonheur et victimes des pannes répétées de l’ascenseur social ; le Centre culturel de Coye-la-forêt prend le pari de réunir post festival les oubliés de la Culture, les amateurs de théâtre, pour combattre la morosité ambiante dans un texte de Matéi Visniec « Du pain plein les poches », en écho probablement aux madeleines que Marie-Antoinette voulut un jour distribuer pour calmer la foule assemblée au pied de son château !...
Mardi 31 mai, le Festival a fermé le rideau. Façon de parler, le rideau rouge est ouvert. Plateau nu de la salle Claude Domenech. C’est vide, c’est triste…
Après la soirée de clôture — heure du bilan, du discours et des petits fours —, après Vassilissa, le dernier spectacle pour enfants, l'équipe de régie s'est emparée du lieu pour le désosser, débrancher, décrocher, enrouler, ranger, plier, jeter, balayer. Il y a eu dans cette salle 17 spectacles et 27 représentations entre les 9 et 31 mai, 9 régisseurs Festival, 64 comédiens, plus de 6 400 entrées de spectateurs, et des applaudissements à ne pouvoir les compter.
D’après le conte russe Vassilissa la très belle
Compagnie Les femmes et les enfants d’abord
Mise en scène de Julie Cordier.
Le Festival se termine sur un conte pour les 750 enfants des écoles primaires de Coye et des environs venus écouter l’histoire d’une petite fille de leur âge. Avec Vassilissa, si belle et courageuse, ils sont entrés dans la forêt profonde des contes russes de tradition populaire. Une vie heureuse se mérite, semble-t-il, et le conte est une manière d’enseigner un chemin possible pour passer les obstacles. La petite fille doit d’abord vivre la perte de sa mère — le pire des chagrins —, puis travailler comme une servante pour une marâtre dédaigneuse et ses deux méchantes filles — Cendrillon a vécu cela aussi. Enfin, promise à une mort certaine dans la forêt et face à la sorcière Baba-Yaga, faire confiance à son bon génie, sa poupée, pour se tirer des mauvais pas. Alors, débarrassée des malfaisants, une vie heureuse s’offrira à elle. Du moins, on l’espère.
de Vahé Katcha
Théâtre de La Lucarne
Mise en scène de Serge Vinson et Isabelle Domenech
Je noterai d’abord — étant un fidèle du festival depuis une vingtaine d’années — la haute tenue de cette admirable troupe amateur qu’est La Lucarne. Je vois ces acteurs depuis des années et constate que leur jeu devient de plus en plus subtil et vaut bien des troupes dites « professionnelles ».
Les décors et la mise en scène du Repas des fauves nous ont agréablement étonnés à plus d’un titre avec un travail pointu et une synchronisation parfaite des sons et des lumières. Le filigrane est parfaitement utilisé avec les auteurs de l’attentat qui circulent tels des « rapetous » derrière les rideaux, que les personnages otages font mine de ne pas voir, et que dire des deux chanteuses qui apparaissent, après que la tsf est allumée, l’une en chanteuse de jazz et l’autre chantant une bluette des années 40.
Huis clos cocasse étouffant
Atmosphère terreuse
Globe sanglant
La terreur fracasse
Les bons sentiments
Brave bourreau esthète raffiné
Sanglé dans son bon droit
Et sa juste colère
Violence bonasse
Les croix gammées seront lavées
Du sang des opprimés
La culpabilité des victimes
Leur montait au front
Et distillait la haine
de Monique Esther Rotenberg
Mise en scène de Pascal Elso
Une surprise, dès qu'on entre dans la salle de spectacle : il y a un décor sur scène. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'à Coye-la-Forêt on n'est guère habitué à ce genre de faste. La scène est le plus généralement nue ou très peu aménagée, avec quelques accessoires strictement utiles ou quelques éléments évocateurs à partir desquels il faudra laisser vagabonder son imaginaire. Et bien, une fois n'est pas coutume, aujourd'hui nous avons un vrai décor de théâtre bourgeois (avec, nous le verrons, effet de pluie derrière la fenêtre, de vent dans les rideaux, de plein soleil ou de lumière crépusculaire) ! Pour un peu on se croirait sur les boulevards ! Nous avons le temps de détailler : dans une douce pénombre, des meubles (fauteuils, guéridon, table…) que l'on devine sous les draps blancs qui les recouvrent, comme si les propriétaires s'étaient absentés pour un long moment, des livres sur une étagère, des abat-jours, des tapis, tout indique la culture et le confort ; pourtant curieusement il n'y a pas de tableaux aux murs, mais des cadres vides posés dans un coin, la salle de séjour ne présente qu'un seul angle et la perspective en est bizarrement faussée… une valise qui traîne… Sentiment de vide et d'absence.
de Jacques Mougenot
Mise en scène de Jacques Mougenot
La pièce de ce soir aura au moins eu le mérite de susciter le débat !
Bien sûr que c'est facile, limite démagogique, de faire rire à propos des dérives et des délires de l'art contemporain. Bien sûr que c'est flatter le Béotien moyen qui n'y connaît pas grand-chose et n'y comprend à peu près rien, et qui se trouve ainsi conforté dans son ignorance… alors que l'art est toujours une chose sérieuse, un engagement vital, une recherche qui doit interroger le monde, bousculer nos habitudes et remettre en cause nos façons de voir.
Bien sûr ! Mais une comédie est une comédie. Jacques Mougenot est à la fois l'auteur et l'acteur de "L'affaire Dussaert". En tant que comédien, il est excellent dans le rôle du conférencier, plus vrai que nature. Son texte, par ailleurs, est plaisant, plein de jeux de mots, de drôleries, de surprises, et le récit est habilement conduit jusqu'à la pirouette finale. Alors pourquoi bouder son plaisir ?
Brave humanité, ce n’est pas l’honnêteté qui t’étouffe.
Hier soir, on a vu la pensée agile
Donner en pâture au théâtre gourmand,
Des mots doux et croquants que même l’opéra bouffe.
L’artiste équilibriste surprenant
Se prenait la langue à ses propres mots,
Glue dans les yeux du serpent qui fixe l’oiseau.
Fascination vertigineuse, folie pure et raison furieuse,
Hier soir, le théâtre mentait vrai.
Le public riait de lui-même,
Honteux de ce qu’il aime en secret.
Petite foule de bons benêts,
Navrée de ne pas avoir les grands mots vides,
Les phrases lourdes et splendides,
Pour habiller la nudité de leurs petites vérités.
Confortables délires, mensonges candides,
Grâce à eux, l’avenir se comprend.
de Boubakeur Makhoukh
D’après une nouvelle d’Ehsan Kouddous
Compagnie Ali n’est pas Baba et Atelier Théâtre Actuel
Adaptation et mise en scène de Nour-Eddine Maâmar.
Un ticket pour l'absurde
« Je n’exagère pas, monsieur le président : c’est la réalité qui exagère... » Dans cette Algérie de la fin du XXe siècle, qui vient d’ajouter une couche de guerre civile sur les gravats fumants de la guerre d’indépendance, la réalité dépasse l’autobus.
Et question réalisme, l’algérien vaut bien l’italien. Avec Cherif, pauvre chauffeur-mécanicien, le spectateur prend son ticket pour le terminus de la désespérance. La ligne égrène ses arrêts de la liberté et la République jusqu’à la rue des martyrs, qui se décompose en une ruelle incertaine - l’improbable rue de la démocratie - et finit en impasse.