Septembre a décoré les frondaisons des parcs de reflets dorés. Les faînes et les glands craquent sous les pieds. Cela sent la pomme dans la cuisine. Le brouillard est doux le soir sur les étangs. La nuit vient fermer plus tôt les volets des fenêtres orange dans le violet du crépuscule. La terre sent l’humide et le champignon. Noël, c’est pour l’hiver et Pâques pour le printemps. L’été se fête à la Saint-Jean ou au 14 Juillet. Il manque une fête à l’automne avec des gâteaux d’anniversaire, des chandelles et des flambées, avec des mots d’amour écrits à l’envers des feuilles mortes et des enfants au jardin qu’on rappelle le soir pour qu’ils ne prennent pas froid. L’été indien viendra, glorieux, enturbanné d’or et serré dans le sari soyeux des moires du couchant. Quand les forêts se couvriront de jaune citron, de caramel et de vermillon, quand les champs du matin se déferont des voiles de l’aube en souvenir des moiteurs de l’été, le monde nous fera une dernière caresse avant de sombrer dans les bourrasques de l’hiver. Qu’il est beau, le monde d’hier ! Le monde d’avant les incendies, d’avant les ravages des canicules et des inondations. Septembre. La nature ouvre sa gibecière et incline un peu son panier pour que les fruits sucrés par les dernières ardeurs du soleil profitent aux enfants par les chemins ombrageux qui traversent les vergers. Les premiers tirs des chasseurs vont bientôt déchiqueter les taillis et tacher de rouge les sous-bois mordorés. La brutalité guerrière n’est jamais loin. Ils vont tout faire pour que le monde d’hier ne devienne pas le monde de demain. Le ciel bleu et les blés mûrs des couleurs de l’Ukraine se déchirent dans la haine et les éclats des bombes. Le gaz russe brûle en flammes immenses dans des terres désertées. Les pôles fondent. Les mers se vident de leur flore et de leur faune. Les forêts brûlent partout sur la planète. Voit-on les flammes et la fumée dans les télescopes de l’espace ? De quelle couleur est notre vieille Terre vue des étoiles? Combien de temps encore verra-t-on passer les oies sauvages ? Y aura-t-il des hirondelles l’année prochaine ? Quand ils auront enfin tout gâché par leur voracité sanguinaire et leur cupidité mortifère, quand ils auront suffisamment semé de malheur, de sang et de larmes, quand le printemps sera devenu silencieux et l’été fournaise invivable, quand il ne nous restera plus que l’hiver, qui restera encore sur terre pour avoir la nostalgie des mois de septembre du monde d’avant.
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Centre culturel de Coye-la-forêt
Dimanche 18 septembre, à 16h
Rencontre avec le metteur en scène Paul Goulhot
À l’occasion de la représentation de la pièce de Cocteau, L’Aigle à deux têtes, au Centre culturel de Coye-la-forêt, la rédaction de coye29 a rencontré Paul Goulhot, le metteur en scène, qui venait de quitter le plateau pour reconduire les comédiens à la gare. Après le travail d’une journée de répétition, Paul est encore fringant et dynamique, l’œil bleu qui brille quand on parle théâtre.
Coye29 : Bonjour Paul, la première de la pièce aura lieu dimanche 18 septembre en sortie de résidence, dit-on. Le blog coye29, toujours intéressé par le théâtre, a eu très envie d’échanger avec vous sur votre travail et votre objectif de metteur en scène.
Paul Goulhot : Oui, le 18 septembre notre troupe aura la chance d’avoir « résidé » trois semaines dans une salle de spectacle pour faire aboutir cette création, une semaine à Lamorlaye, puis deux à Coye-la-forêt grâce à l’invitation de Thierry Charpiot et de son association Calliope.
Coye29 : Trois semaines pour monter une pièce, cela semble court au premier abord...
: Certes la création se finalise en trois semaines, mais le travail en amont est important. Nous sommes sur le projet depuis novembre. Quand nous arrivons en résidence sur un plateau, tout est prêt : la musique est choisie, les accessoires réunis, l’utilisation des vidéos a été vue, les affiches réalisées…
Ici, on travaille le jeu des comédiens et la création lumière, nous avons aussi installé un support de projections. Mais le casting a été lancé en novembre, décidé après une ou deux journées d’auditions et nous avons fait plusieurs lectures ensuite.
Coye29 : Je sais que vous connaissez bien Coye-la-forêt…
: J’habite Lamorlaye et c’est à Coye que j’ai commencé et appris le théâtre avec La Lucarne, de 6 à 18 ans. L’ambiance théâtre je la connais bien, avec les cours, les représentations et le Festival théâtral.
Ensuite j’ai poursuivi ma formation d’acteur au Conservatoire de Cergy-Pontoise puis au Cours Simon. Il est donc tout naturel pour moi de vouloir revenir à Coye pour la première de ce spectacle.
Coye29 : Comment s’est fait le choix de la pièce ?
: Je connaissais Cocteau bien sûr, que j’aimais beaucoup, et pendant le confinement, par hasard, j’ai regardé La Belle et la Bête, et j’ai été happé par le texte, l’histoire, le thème de l’identité… J’ai relu d’autres pièces — La Machine infernale, La Voix humaine, Orphée. L’Aigle à deux têtes a retenu mon attention car c’est une pièce peu adaptée, donc où l’on peut créer, imaginer ; elle ne compte que cinq personnages, et la question de l’identité m’intéresse… qui l’on est, comment l’on veut être… Je l’ai choisie pour toutes ces raisons et j’ai eu envie de la transposer ailleurs, en Asie. Le casting a été fait en fonction de cet objectif. Le Japon, la Chine sont pour moi des pays qui ont une sensibilité particulière, une esthétique. Je suis cinéphile et j’aime beaucoup les films de Kurosawa, de Zhang Yimou. Je voulais un monde imaginaire qui rassemble ces cultures asiatiques, chinoise, japonaise, laotienne... On peut tous s’accepter et s’aimer. Cette pièce raconte une histoire d’amour qui rassemble les identités, dans laquelle les contraires s’attirent et s’unissent — La Reine est veuve. Dix ans après un anarchiste veut la tuer, mais il ressemble au roi qu’elle a aimé et perdu au matin de ses noces… La passion les emporte…
J’ai voulu qu’il n’y ait qu’un Caucasien parmi les cinq comédiens, celui qui joue le personnage de STANISLAS. Je suis fier de mon équipe qui m'a suivi dans ce projet un peu fou. Ce sont des professionnels qui ont entre 10 et 25 ans de carrière au théâtre, qui ont aussi tourné pour le cinéma et la télévision.
Coye29 : On a tous vu le symbole de l'aigle à deux têtes sur des drapeaux ou des armoiries, souvent germaniques, slaves. Quel sens particulier donnez-vous au titre de la pièce que vous situez en Asie ?
: Pour moi ce sont deux êtres qui fusionnent face à l'avenir et aux complots. Deux corps mais un élan. Le personnage de Stanislas dit : " Je vous offre d'être vous et moi un aigle à deux têtes". Si l'on coupe une tête, l'aigle meurt.
Coye29 : Encore une raison d'aller voir cette pièce ?
: Elle a été peu adaptée, je l’ai dit, et le plus souvent recentrée sur des pays européens. Là, elle devient une invitation au voyage, avec un décor que l'on dirait tracé à l'encre de Chine, des accessoires suggestifs comme les katanas, au lieu d’armes à feu. Mais par respect pour le texte je n'ai pas changé les noms.
Coye29 : Merci, Paul, pour cette présentation. Il est difficile de ne pas être tenté de vous suivre dans ce voyage vers l’Orient et cette vibrante histoire d’amour. À Coye-la-forêt le public répond présent. Je vous souhaite, ainsi qu’aux comédiens, une salle remplie… et vibrante.
Réservation :
https://www.helloasso.com/associations/s14/evenements/l-aigle-a-deux-tetes-sortie-de-residence