Le paradis n’est pas perdu
La brise joue dans les chevelures des vieux oliviers tourmentés. Un ciel intact réverbère l’été. Les herbes blondes cachent les sauterelles et les papillons hébétés. Le temps est suspendu autour des souvenirs d’un temps que l’on croyait perdu. Passe une pie, tel un trait d’arbalète. La nature soupire. Les murs épais du vieux mas fabriquent des ombres de nostalgie. La danse lente des rideaux s’entrouvre sur un monde provençal. La sieste a gardé l’accent du midi. Soûles de soleil, les cigales qui depuis ce matin n’avaient pas arrêté leurs crécelles, grésillent à voix-basse pour laisser aux dormeuses le temps du repos. Le soleil n’est pas raisonnable. Campé sur ses avantages virils d’astre incontesté, le soleil écrase sa méridienne sous les talons aigus de ses rayons. Les micocouliers s’agitent en éventail pour s’en moquer. Tout à l’heure, des martinets en escadrille fendront l’azur pour se repaître de nuages de fourmis ailées. La renarde et ses renardeaux, roulé.es en boule sous la terre fraîche, attendent la nuit pour entamer leur quête vorace de quelque pigeon endormi. On entend un coq au loin. De grands albatros passent au-dessus des cimes avec des cris marins. La mer n'est pas loin, avec ses golfes clairs, seule à savoir parler comme il faut au bleu du ciel. La paix règne ainsi sur l’instant. La solitude est pleine comme un œuf. On a mangé, on a bu, on a dormi. On a dû refaire une ou deux fois le monde avec des amis. La table avait été dressée sous la treille et la cuisine aussi nous parlait du midi. Le paradis a quelque chose à voir avec la satiété quand elle est noble et hardie. N’est-ce pas le moment propice où on trouve l’énergie d’entreprendre, sans recommencer les mêmes erreurs ? De repenser l’avenir en l’extrayant du passé, comme la pépite du filon aurifère ? L’Histoire nous montre ce qu’il ne faut pas faire. Alors changeons le monde pour nos petits-enfants. Léguons-leur ce paradis. Réservons-leur quelque chose de pérenne et de paisible. Le monde est un écrin nacré. Le ciel est bas sur la mer. Des alizés aux doigts légers jouent dans le moutonnement des pinèdes du littoral. Sommes-nous tant rassasié.es de ce monde que nous n’en aurions que du dégoût ? Faisons de notre satiété cette jubilation qui nous donnera la force de le transmettre aux prochaines générations. Si nous reconnaissons qu’il n’y a de jouissance que dans son partage, alors le paradis n’est pas encore perdu.
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