Il faut arrêter !
Quand je suis venue habiter à Coye-la-Forêt il y a trente-cinq ans, il y avait deux poissonniers sur le marché, quatre marchands de viande (une charcuterie – Sénèque, un volailler, une boucherie chevaline et un généraliste – Jean-Paul, dans son camion), et on faisait la queue ! ; il y avait aussi un couple de maraîchers et un "cours des halles" qui s'étalait sur toute la longueur du marché (ils étaient au moins trois ou quatre à servir). Et c'était pareil dans le village, deux boucheries, quatre épiceries, deux boulangers, un pâtissier... Que monsieur Deshayes me démente si ce n'est pas vrai !
Soyons sérieux ! Ce n'est pas l'AMAP, créée en 2018, qui a signé le déclin du marché. Ce sont les nouveaux modes de vie. Beaucoup considèrent que le village est un dortoir ; ils font leurs courses une fois par semaine au mieux à Lamorlaye, au pire à Saint-Maximin et ne participent d'aucune façon à la vie locale. Depuis vingt ans, les boutiques ont disparu les unes après les autres et le marché s'est désertifié. Soyons honnêtes et regardons les choses en face ! Il y a eu un regain de vitalité depuis quelques années, avec l'arrivée de jeunes de style plutôt "bobo" (c'est comme ça qu'on les nomme avec mépris), c'est-à-dire sensibles aux questions environnementales, préférant se déplacer et faire leurs courses à pied ou à vélo, privilégiant les circuits courts et qui ont à cœur en tout cas de faire vivre le village. Et ce sont eux précisément qui ont créé l'AMAP ! Et les amapiens d'une façon générale ont plutôt tendance à vouloir faire vivre le marché sur lequel ils s'approvisionnent régulièrement. Alors franchement c'est assez mal venu de leur chercher des noises.
L'AMAP est un faux problème. Pas besoin d'être docteur en sociologie pour comprendre ça, il faut se rendre à l'évidence : les modes de vie ont changé.
S'en prendre à l'AMAP, c'est se tromper de cible ; c'est comme s'en prendre aux immigrés qui seraient la cause de tous nos maux, comme si c'étaient eux les responsables des délocalisations, de la destruction des services publics, du déclassement de la petite bourgeoisie, de la relégation des populations sans transport loin des villes, comme si c'étaient les immigrés qui organisaient le pillage des ressources et le saccage de la planète. S'en prendre à l'AMAP, c'est comme s'en prendre aux écolos quand on est un agriculteur surendetté, perclus de fatigue, écrasé par les charges et les problèmes administratifs, au lieu de s'en prendre à ceux qui s'accaparent les terres et les subventions européennes, les agrobusinessmen. Il faut arrêter, quoi !
L'AMAP est un lieu de rencontre, d'entraide, de partage et de sociabilité, toutes choses qu'un bon maire doit avoir à cœur de développer pour faire vivre sa commune. L'AMAP est un point de rendez-vous chaque semaine qui, en plus, réunit toutes les générations. Il y en a beaucoup d'autres, des associations comme celle-là, qui réunissent régulièrement autour d'une même activité depuis les nouveaux-nés jusqu'aux vieilles grands-mères comme moi ? Les enfants très souvent participent à la distribution, ils adorent ça, peser les légumes et "jouer à la marchande".
Tout le monde sait bien que les vrais concurrents des commerçants locaux, ce n'est pas l'AMAP, ce sont les grandes surfaces en dehors du village. Non, sérieux ! Faut arrêter !
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