Le mangeur de contes
EBY ET LE MANGEUR DE CONTES
Par la Compagnie du Théâtre Mordoré
Eby est revenue lundi matin… avec Blanche-Neige. Vous savez, avec son grand-père, elle nous a déjà raconté l’histoire du Petit Chaperon rouge.
La voici dans le grenier où elle a relégué ses peluches - avec regret parfois - dans un berceau d’enfant et où, assise devant un vieux pupitre d’écolier, elle tente de s’intéresser aux mathématiques ! Car elle ne veut plus être un bébé, elle veut grandir. Fini le doudou, finis les contes. Il faut enfin apprendre les choses sérieuses. Mais les additions et les problèmes ont raison d’elle. Elle s’endort sur son cahier.
Papy Georges entre dans son rêve. C’est un grand-père tel qu’on en rêve : Benjamin Julia, en gilet de laine et l’écharpe autour du cou, est facétieux, inventif, tendre et… très alerte encore ! C’est lui le meneur de jeu, celui qui entraîne sa petite fille vers l’imaginaire des contes. Il y a péril, un monstre enfermé dans un livre depuis cent ans a surgi dans un bruit de tonnerre, effrayant dans sa cape noire, argent et rouge, collerette à pointes menaçantes. C’est Carassorogh - mot-valise grinçant qui réunit la Fée carabosse, le jeteur de sorts et l’ogre qui dévore : « Je suis le méchant des méchants/j’adore faire pleurer les enfants » Les jeunes spectateurs se recroquevillent dans leurs fauteuils. Quel danger les guette ? « Je veux faire disparaître les histoires qui finissent bien » C’est plus que n’en peut supporter Papy Georges. Si les contes disparaissent, la poésie, la chanson, la pensée sont menacées aussi. Comment se fera la transmission ? Il décide de passer à l’action et, avec l’aide d’Eby, de piéger le monstre dans un conte. Ce sera Blanche-Neige. Un vieux 33 tours, trouvé dans un coin du grenier, commence le récit. Très usé, il grésille à souhait, quelques sillons sont effacés. Eby enfile l’ancienne robe de mariée de sa grand-mère, grandit et devient Blanche-Neige ; naturellement, grand-père fera … les sept nains, celui qui a un gros ventre, celui qui bégaie, celui qui met les doigts dans son nez…
La magie du conte opère, des flammes sortent de la pomme, les cendres volent comme des papillons, les livres parlent et les mots s’envolent dans des bulles. Vous devinez, je pense, que tout finira bien. Mais il n’y a plus de Prince Charmant – heureuse trouvaille ! Pour libérer Blanche-Neige, il faut la secouer, c’est ce que conseillent tous les livres, et elle crachera la pomme empoisonnée. Bien réveillée, à l’issue d’un tango, c’est elle qui ficelle l’ogre dévoreur de contes et le châtie … en lui chatouillant les pieds. Les chatouilles, ça fait rire. L’ogre rit et retrouve son âme d’enfant. Les livres de contes peuvent donc revenir. Avant de quitter le rêve de sa petite fille, le grand-père lui chuchote : « Lis, écris, joue et n’oublie jamais l’enfant en toi. »
La mise en scène de Sarah Gabrielle n’a pas oublié l’âme des enfants, elle leur donne d’abord la joie de rire, puis celles d’avoir peur et d’être rassuré. Sa réalisation privilégie le rythme et capte parfaitement l’attention d’un public parfois très jeune dont les émotions se manifestent librement. La poésie est là aussi, dans les éclairages et les couleurs, dans le décor de ce grenier oublié qui devient le lieu où le grand-père transmet le savoir des contes. Les péripéties sont nombreuses, les personnages multiples assurés par trois comédiens. Charlotte Popon fait vivre la petite Eby avec conviction, elle a vraiment l’âge de son jeune public, et Florent Ferrier campe avec prestance l’ogre redoutable ou la sorcière. Les enfants sortent ravis… comme leurs maîtres. Dans le grenier des contes, ils ont vécu une aventure, craint le monstre, joué avec les nains et ri des pitreries du grand-père. Dans le grenier des contes, les aventures sont inépuisables, le trésor est là. Il suffit d’ouvrir un livre.
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