SOUTERRAIN BLUES
De Peter Handke
Cie La Bataille
Mise en scène : Xavier Bazin
Décor minimaliste à l'image d'une station de métro glauque comme le moral de l'acteur.
Déçu par la vie, le décor du métro devient son seul univers, son refuge pour taire sa solitude.
Le public interpellé comme les passagers de son wagon.
Tout le monde en a pris pour son grade, grinçant, caustique
comme nous savons l'être parfois, pour se défendre : l'attaque.
Nous avons ri aussi en entendant des vérités qu'on pense parfois
sans se permettre de les dire.
Performance de l'acteur seul face au public.
Seul , sauf à la toute fin, quand l'actrice entre en scène
et le provoque pour le ramener à l'optimisme, à la vie.
Galerie Photos : SOUTERRAIN BLUES De Peter Handke
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2 commentaires
Commentaire de: Marie Louise Membre
Commentaire de: Bénédicte Barrère Visiteur
spectacle sensationnel, un acteur sensible, bravo!
Il est dans votre wagon de métro et il vous apostrophe, qui que vous soyez. Les voyageurs se succèdent et il est toujours là, passant de l’un à l’autre. Les stations défilent et la lueur des quais pénètre dans cette boîte roulante où il passe une partie de la journée. Parfois les lumières s’éteignent, vous restez dans l’obscurité et sa voix d’outre-tombe s’entend encore. Vous l’avez souvent rencontré cet homme qui parle seul ou qui vous interroge en sachant que vous ne lui répondrez pas, qui monologue toute la journée une espèce de litanie obsessionnelle.
Vous n’êtes pas très à l’aise car il brise votre solitude.
C’est à cet homme – l’homme sauvage, comme l’appelle Peter Handke – que vous êtes confronté pendant une heure. Le temps d’un trajet en vingt stations. Et c’est long car il nous regarde, nous les passagers. Impitoyable quant à nos faiblesses, nos laideurs, les petitesses qu’on fait tout son possible pour camoufler mais qu’il voit.
Yann Collette est l’homme sauvage qui nous scrute. Dans sa blouse grise passe-partout, il va et vient sur la scène, occupe tout l’espace, de la vitre sale tachée par les doigts à l’avant-scène où il nous découvre. Son regard ne nous lâche pas, il désigne du doigt, du menton, tend l’index : « Je reste avec vous jusqu’au bout de la ligne. » Pas d’échappatoire. Chacun aura son portrait, féroce. L’aveugle comme « le beau couple… le lauréat universel », le randonneur, la femme, l’employé de bureau, le curé… Le pire c’est qu’on en rit ! Le comédien joue avec les rythmes, accélère, accumule, crache les mots, puis prend son temps, s’arrête, fait entendre le silence. Qu’on ait le temps de la voir, cette masse d’êtres humains que rien ni personne ne vient racheter, sauver, irrémédiablement laids et seuls.
Et pourtant… un petit miracle à la fin. Soudain, une flamme sur scène. Un goût de paradis dans ce métro infernal. Une femme. Le « firmament rose bonbon » promis après la mort ? Non, elle le cingle, le réveille : « Espèce de moche… qui emmochit tout de ton regard moche. » Que veut-elle de lui ? Peut-être lui apprendre à vivre, à aimer ?
Véronique Sacri est une magnifique apparition. Dans le décor gris et neutre, on ne voit plus qu’elle. Le féminin jusqu’au bout des ongles. La grâce. L’insatisfait, le misanthrope, le haineux ne peut que s’incliner. Et le spectateur respire. L’air se raréfiait, il nous fallait cette échappée pour continuer notre course jusqu’à la dernière station.