Tu la veux comment, ta planète ?
Combien faudra-t-il de vagues de malades et de morts pour que les puissants qui mènent le monde baissent les yeux sur ceux qui souffrent à leurs pieds ? Comment la veulent-ils, leur planète ? Bleue ? Ou rouge du sang de ses martyrs ? Après le confinement et la canicule, la nouvelle épidémie annoncée va briser des vies et blesser des familles. Nous, les pas-solides, les plus-bien-jeunes, ferons-nous encore partie de leurs dommages collatéraux ? Nous, les invalides, les obsolètes, les pas vendables, les passés décomposés, les imparfaites du subjonctif et les passés simples de la comprenette, nous sommes leur marge de manœuvre, leur population tampon, leur pourcentage acceptable de victimes pour construire leur société de demain, qui est celle d’hier, mais en pire.
Dans les cieux, leurs déesses et leurs dieux se disputent, insoucieux des petits humains si défectueux. Déesse exigeante et fantasque, Reprise compte sur sa vieille mère Économie pour ramener un peu de bon sens dans la tête de ses sœurs les Finances. Ils obéissent tous à Dieu le père, le grand divin Profit. On raconte aux enfants des histoires de super-héros, pour remplir de faux-espoirs leurs rêves d’avenir. « Qu’est-ce que tu feras quand tu seras grand ? - Spiderman ! Ou Batman, pour sauver le monde des méchants ! » Quand la petite fille aura compris qu’elle ne pourra jamais être Superman, elle se rabattra sur Lara Croft. Et pendant ce temps-là, leurs parents sont nourris d’histoires horribles, comme celle du grand méchant cyclope Lacrise, qui ne meurt que pour renaître de ses cendres et exiger sans cesse des sacrifices humains pour calmer son appétit d’ogre buveur de sang. Les déesses de l’Olympe doivent lui fournir des rangs serrés de jeunes mâles, entretués pour des broutilles, de femmes martyres de la Liberté, féminicidées par leurs odieux bonhommes, et de vieilles et de vieux asphixié.es du Covid, perdu.es dans leurs EPHAD, derrière de grandes baies vitrées fermées sur l’horizon. Alors nos héros de la politique descendent de leurs sommets nébuleux pour venir sur nos écrans dorés exposer leurs musculatures d’athlètes du bla-bla-discours. Ils désignent les victimes innocentes à déposer sur l’autel ensanglanté des dieux gloutons. Restons compréhensifs. Gardons de la commisération pour le malaise moral que nos héros politiques ressentent, dévorés de scrupules et de remords. « Alors Monsieur ? Vous la voulez comment, votre planète ? Bleue, saignante ou cramée à cœur ? »
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