L'éloge de la faiblesse
Ras la casquette des roulements d’épaules galonnées et des tambours qui marchent au pas. La guerre fait saillir les pectoraux clinquants et gonfler les biceps tatoués. La puissance est la religion d’État. Qu’elle soit militaire, économique, médiatique, atomique ou diplomatique, la puissance est le rêve fou des impuissants. Derrière eux, l’herbe ne repousse plus. Leur cœur déborde de rage de dominer leur frère, dans une dernière embrassade mortifère, au prix de notre pauvre petite planète Terre. Toutes leurs guerres sont justes, tant pis pour la mort et la misère. Alors la puissance, ça me gave. Je veux faire ici l’éloge de la faiblesse. Gloire aux petites, aux sans-grade, aux sans-papiers, aux sans-souliers. Je veux célébrer les faibles et les déshéritées et en particulier les femmes, les invisibles, les plus spoliées, les dévêtues comme les voilées, les estropiées comme les maternisées. Les yeux écarquillés, elles contemplent les jeux virils emplumés et sanglants, soulevant les vents de poussière des déserts. Elles murmurent à l’oreille des enfants des chansons douces qui racontent des jolis moments, des avenirs charmants de fleurs, de papillons et d’amants sur la mousse, des jours sans faim et des printemps vibrants. Elles chantent pour qu’ils n’entendent pas les bombes et le brouhaha des hurlements. Je déteste le monde des forts, des valides, des costauds, des forts de café, des forts en gueule, des forts du sexe fort qui ne pensent qu’à trouver leur maître chez le plus fort d’à côté. J’aime l’ignorant, le craintif, l’aboulique, celui qui préfère rester là où il est, pour aimer et être aimé. Je préfère la chétive, la faible, la fragile, celle qui ne vit que grâce à l’amour des autres, celle qui procure aux autres ce sentiment désuet de bonté, cette force sociale qu’est la solidarité et la dépendance mutuelle. Si demain un jour vient, il sera fondé sur l’entraide et la réciprocité. Foin des mitrailles fumantes de gloire et des drapeaux déchiquetés aux pieds des vainqueurs ! Las des liasses épaisses des billets maculés de la prostitution, des bitcoins salis du sang de la drogue et des lingots plombés des souffrances de l’humanité ! Dégoûté des stades, des temples et des mausolées coulés dans le béton armé des os des esclaves sacrifiés ! Marre de ce monde de marchands de tapis verts et de bâtisseurs de maisons closes ! Le monde d’hier a-t-il déjà dévoré celui de demain ?
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J’aime les gens qui doutent.