Le Bourgeois gentilhomme
de Molière
Compagnie Le Homard bleu
Mise en scène de Matthias Fortune Droulers
Une étonnante mise en scène de Mathias Fortune Droulers et la fulgurance des acteurs nous transportent chez le « Bourgeois gentilhomme », comédie-ballet qui fut jouée pour la première fois le 14 octobre 1670 devant la cour de Louis XIV au château de Chambord.
Dans cette comédie, Molière prend pour cible un riche bourgeois qui s’évertue à devenir un homme de qualité en essayant de se hisser à la hauteur de la noblesse. Pour ce faire il n’hésite pas à en épouser tous les aspects, utilisant toute une foule d’individus plus attirés par l’argent que par l’art qu’ils sont censés représenter.
N’étant pas noble, il ne le deviendra jamais. Telle est la loi de l’époque. Similitude, 347 ans après, avec la nôtre. Si tu n’es pas grand bourgeois tu ne peux pas accéder à cette caste structurée et très fermée.
Chacun peut se moquer de Monsieur Jourdain, tour à tour pleutre, grotesque et ridicule, mais néanmoins profondément humain. Il a un côté poétique très bien interprété par Victor Calcine. Monsieur Jourdain est un homme émerveillé par les arts ce à quoi il tend sans en connaître les vérités. Mais au moins il essaye de les découvrir.
« La compagnie du Homard bleu » réussit son pari, celui de nous faire rire, par le truchement de Molière, de la bêtise humaine. Cette jeune compagnie pleine de talents nous invite dans sa version moderne, ne serait-ce que par les costumes d’aujourd’hui, à entrer de plain-pied dans la mentalité de ce bourgeois qui veut se faire seigneur. Elle choisit également de faire jouer Madame Jourdain par un homme, en l’occurrence Bertrand Mounier, comédien de talent, montrant ainsi que cette « brave » Madame Jourdain n’est pas dupe de ce qui se passe chez elle et s’impose par les propos féministes que Molière lui prête.
Nous avons eu le sentiment d’assister, ce samedi 13 mai, à un beau spectacle vrai, humain, burlesque et qui a bien fait rire dans les gradins où se mêlaient enfants et adultes. Mais ne nous y trompons pas, cette comédie est le miroir de ce que nous sommes. Molière connaît bien la nature humaine.
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3 commentaires
Commentaire de: Chantal Visiteur
Commentaire de: Paul Uzan Visiteur
L’on pouvait se dire: “Ah ! encore du Molière et encore Le Bourgeois Gentilhomme ». L’on pouvait se dire, “on connait dejà la pièce par coeur ». L’on pouvait se dire :« c’est normal, il en faut pour tous les gouts dans un festival de théâtre. L’on pouvait se dire: « La pièce va attirer les jeunes, c’est une bonne façon de leur faire aimer le théâtre ».
C’est souvent ainsi que les petits miracles se produisent, quand on ne les attend pas, ils surgissent de derrière le rideau.
Je ne suis plus très très jeune (encore que..), et voila que je redécouvre Molière que je croyais si bien connaitre grâce à la mise en scène tonitruante,et au formidable jeu des comédiens.
Commentaire de: Jacqueline Chevallier Visiteur
Ce qui est formidable au théâtre, c’est qu’on peut voir et revoir une même pièce : la mise en scène et la personnalité des comédiens fait qu’elle est différente chaque fois. Monsieur Jourdain ici m’est apparu naïf, plutôt bon enfant. Il a de l’argent mais il est désireux d’apprendre, enthousiaste et généreux. Il est touchant au bout du compte. Autour de lui tournent les rapaces. Ceux-là, les vrais aristocrates qui se reconnaissent entre eux et forment une caste fermée, ceux-là sont cruels, méprisants, avides.
Les temps ont changé : ce n’est plus l’aristocratie qui est au pouvoir, remplacée par la grande bourgeoisie, mais les mécanismes de fermeture sont les mêmes, la rapacité, l’arrogance, la cruauté.
Comme souvent chez Molière, le bon sens est incarné par les deux personnages féminins que sont l’épouse et la bonne. Très belle idée de distribution : Madame Jourdain qui d’habitude est un personnage plutôt falot avait ici un relief tout particulier qui la rendait pathétique.
Je n’ai pas compris en revanche pourquoi la jeune première était si vilainement fagotée !
Ah! quelle soirée! On a osé mettre la tête à l’envers au Bourgeois. Et il en sort joyeux et ragaillardi. Du rythme, des inventions et la gaieté. Tout cela pour fouetter définitivement et humilier le bourgeois, c’est-à-dire la tyrannie domestique, la bêtise, l’ignorance. Bravo à cette troupe dynamique et créative. Elle a l’audace et l’élan de la jeunesse pour innover, ayant sorti Mme Jourdain de son carcan de bourgeoise soucieuse de l’ordonnance de la maison. L’acteur, Bernard Mounier, lui donne belle allure et profondeur. Les comédiens se sont emparés de Molière et en restituent parfaitement la langue tout en se permettant un joyeux pied de nez à la tradition des représentations de pièces du XVIIe siècle.