Bébé sapiens
Nos histoires nous identifient semblables et uniques, identiques et différents, comme des poissons dans l’océan indifférent des histoires des autres. D’abord, on procède du désir des parents, un flux fantasmatique et émotionnel qui les mêle dans l’apothéose d’un tourbillon de vie. Le fœtus léger se développe au chaud du ventre de maman, par douces étapes, inscrites dans la partition génétique de ses 46 chromosomes. Y sont enregistrés les plans de mille cathédrales humaines. Au bout du voyage, une seule sera construite. S’y ajoutent les mémoires secrètes des trois générations précédentes grâce aux marqueurs épigénétiques. Mais la société dirige le destin du petit fœtus dans son bain de miel saumâtre par son influence sur la maman et le papa (s’il est là).
Les bonnes conditions de travail, d’habitat, d’alimentation et d’affection sont indispensables et luttent contre retard de développement intra-utérin et accouchement prématuré. Si les dialogues maman-bébé-papa murmurent des mélodies secrètes, la société élève la voix : « Qui es-tu ? D’où viens-tu ? » Les parents croient se cacher prudemment dans le giron social. Mais le cercle de famille se resserre et apporte silences impérieux, folles légendes, naïves contradictions et déjà certaines malédictions entre les dents. Dès le premier cri, la société tend ses filets. Le premier jour, le bébé obtient son sexe, ses nom et prénom, sa place dans la fratrie, la famille, la généalogie, la caste, la race et la classe sociale. Tout lui est assigné sans qu’on ait eu le temps de dire ouf ! Le bébé est politique ! Mais sans amour pas d’enfant. L’empathie attentive et chaleureuse de la maman et du papa apportent chants et contre-chants. Le lait maternel coule, amour-maman-chose, en nourritures affectives. L’être humain est relationnel et vit sous le signe de ses liens sociaux. La société est à l’image de l’individu comme l’individu est à son image. Plus les liens sont puissants, généreux et respectueux de l’individu lui-même, plus la vie vaudra d’être vécue. Ainsi l’amour parental maman-bébé-papa, l’amour sexuel entre adultes désirants, l’amour-amitié des fidèles compagnonnages sont les richesses de la vie. Une société fondée sur le respect de ces liens est-elle imaginable ? Chacun doit y être une richesse et apporter son expression personnelle, son bien-être et sa créativité. Alors de cette société, l’individu ne sera pas victime. Mais les horizons s’obscurcissent. De tous les continents, les grandes voix de la politique, des sciences et des arts, crient au désastre. La fin de la planète et des espèces (dont peut-être la nôtre) est programmée. Le pouvoir infâme des mafias viriles détruira-t-il l’individu et la société comme on jette le bébé avec l’eau du bain ? Que va-t-on dire aux nouveau-nés ?
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