Histoire de la mauvaise herbe...
Je suis d'la mauvaise herbe,
Braves gens, braves gens,
C'est pas moi qu'on rumine
Et c'est pas moi qu'on met en gerbe...
(Georges Brassens)
Depuis que vous avez décidé de bâtir vos cités, vos villes, vos villages,
vos allées bien tracées, vos rues perpendiculaires, vos lignes droites, vos parallèle... je m'efface.
Mais tout cela je m'en moque, bien avant vous j'étais là... et bien après vous je serai encore là.
Fut un temps où vous n'étiez pas... mais moi si, les reptiles faisaient leurs chemins parmi moi et après, vos ancêtres...
puis vous êtes apparu,
et alors tout a changé.
Je suis devenue indésirable, envahissante, adventice, nuisible...
Mais malgré vous, je reviens, tous les ans, génération après génération, les parents de vos parents de vos parents me connaissaient, je suis à vos côtés depuis que vous foulez cette Terre, mes bienfaits vous ont sauvé la vie, guéris, réparés, tués parfois, depuis la nuit des temps vous m'utilisez.
Mais dans l'égoïsme de vos villes, je suis devenu "de trop", vous m'avez oubliée, comme beaucoup d'autres choses, et pour cela vous avez mis tous les moyens pour me chasser :
– le meilleur et le plus acceptable a été votre force brute, des bras, de la sueur et des râles... au moins nous étions à armes égales !
– après sont venues des molécules, choses horribles qui tuaient tout, non seulement moi, mais aussi mes semblables, mes hôtes, mes amis, mes voisins... Vous avez agi en aveugle, avec la conviction que vous étiez dans le juste.
Maintenant vous avez le choix, encore.
Quoi qu'il en soit je gagnerai, s'il y a un combat.
Vos cités tomberont, vous aussi, et moi je serai là, toujours.
Jardinier depuis vingt-quatre ans, on m'a dit qu'il y avait des "nuisibles" et des "mauvaises herbes" et durant des années j’ai combattu ces indésirables, j'ai utilisé tous les moyens qui m'étaient donnés, chimiques, physiques, mécaniques.
Je ne me posais pas de question, j'exécutais.
Mais un jour je me suis rendu compte d'une chose... une chose si importante qu'elle m'avait échappé : la seule utilité de ce que je faisais était esthétique. Tout ce que nous souhaitons, c'est contrôler, modeler, mettre à notre sauce, nous taillons au mauvais moment, nous retournons la terre parce que c’est soi-disant nécessaire. Regardez combien de haies sont taillées, rabattues en ce moment, sans raison, en pleine période de nidification, pour faire « propre » : une vision où l'homme domine son univers de façon égoïste qui le place au centre du vivant.
Beaucoup de gestes ancestraux ont été relégués aux oubliettes sous couvert de progrès ; de la forêt aux champs, nous avons cessé de jardiner au sens noble du terme (1).
Nos environnements urbains, petits ou grands, sont le paroxysme de l'occupation de la nature par l'homme, nous avons cru pouvoir parfois y laisser un peu de place à la nature, mais le mal est là , la démesure de notre emprise ne souffre pas de concurrence, si poétique soit -elle, alors oui nous plantons, nous prenons soin de, nous avons des gestes de préservation... Sont-ils vraiment significatifs ? Oui, des efforts ont été faits durant ces deux dernières décennies : la "gestion différenciée", le "zéro phyto", l'éco-pâturage, efforts louables.
Mais les mentalités, elles... quel fardeau écologique que de vouloir laisser à la nature ce qui lui revient de droit !
Trouver le compromis, accepter de retirer ces dogmes qui nous ont été inculqués durant toutes ces décennies. Nous avons à nos pieds des trésors sous bien des aspects (consommables, mellifères, médicinales, bio-indicatrices...) : je pourrais vous énoncer la liste assez longue de ce qui fait notre flore indigène, endémique et souvent protégée (2)
et bien souvent nous passons à côté, nous éliminons sans distinction.
N'allons pas penser que nos actes sont insignifiants proportionnellement à la taille de ce que nous éliminons, ce serait mal connaître les dégâts que cela peut engendrer.
1 Verdure de Jean-Loup Trassard
2 http://www.cpie60.fr/cpie/Content.aspx?ID=169132
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4 commentaires
Commentaire de: Marie Louise Membre
Commentaire de: Jacqueline Chevallier Visiteur
Il faut arrêter de penser que l’herbe, c’est sale. Ce qui est sale, ce sont les crottes de chien dans lesquelles, le nez en l’air à regarder les nuages, on met le pied ou on fait passer les roues de la poussette. Ce qui est sale, salement, même si ça ne se voit pas, ce sont les produits toxiques utilisés jusqu’à peu dans les rues pour s’en débarrasser. Ce qui est inutile, c’est d’employer des procédés thermiques, donc consommateurs d’énergie pour les éliminer. Tant qu’elles ne gênent rien d’autre que notre sens de l’esthétique, laissons grandir et prospérer toutes ces plantes, on finira par s’habituer à ce qu’elles soient là, elles sont la vie.
Commentaire de: nmc Visiteur
d accord avec vous trois.
Heureusement la nouvelle équipe va etre plus ecolo que l ancienne ;)
Commentaire de: Marie Louise Membre
Intéressant d’observer les choses un an après. La chasse aux herbes et aux plantes est repartie de plus belle. Les employés municipaux y sont fort occupés, consciencieusement ils éradiquent, tranchent, éliminent tout ce qui est vert le long des trottoirs. Même sous un soleil de plomb. Que d’énergie et de temps dépensés au nom de la grisaille qui doit être uniforme et impeccable, surtout pas "tachée" de vert.
Sur son site Facebook “Tu sais que tu es de Coye” monsieur le maire invite les habitants à arracher les herbes que l’on appelle injustement mauvaises, qui poussent tranquillement le long des trottoirs, au pied des murs. Depuis le mois de mars elles s’épanouissent puisque les jardiniers municipaux confinés leur ont laissé une totale liberté. Quelle belle occasion nous avons eue de les découvrir au fil de nos autorisations de sortie et de nous intéresser à elles! Et il faudrait maintenant s’en débarrasser? Ingratitude! Refus de la poésie et du naturel, de la liberté, du plaisir de la curiosité, du désir d’apprendre. Nous avons déjà eu un parking dans une cour de récréation, des alignements de voitures à la place d’enfants qui jouent et rient. Au nom de quel sens esthétique dépassé devrions nous aussi gagner des trottoirs ennuyeux et gris comme la pluie ?
Que vivent les fleurs et les feuilles sauvages !