Les roses de Picardie sont pourtant si belles.
Quelques petits nuages abandonnés dans le soir doré évoquent des masques oubliés par le soleil sur les pavés bleus du ciel. Les roses des jardins n’attendent plus que les quelques bourdons et les rares abeilles survivantes des épandages toxiques. « Mignonne, allons voir si la rose… » Elle s’appelait Cassandre et n’avait que 16 ans. Ronsard était déjà un jeune clerc de 21 ans. Le mariage fut impossible, mais la rose avait quand même perdu sa robe pourprée et dessus la place ses beautés laissé choir. Les roses de ma Picardie me parlent de richesse, de pouvoir et de beauté. Les premières campanules baissent la clochette devant la splendeur des pétales des reines des jardins clos. Le village a pris goût au confinement des fleurs et des oiseaux. Le soleil ajoute aux gens lunettes noires et chapeaux.
Déjà que la corona-mascarade leur avait mangé le sourire, ils passent sur les trottoirs droits et muets, apprêtés pour n’importe quel cambriolage. La parade est parfaite pour se protéger des drones et des logiciels de reconnaissance faciale. Le temps est suspendu à la corolle des roses. Le monde attend la mort du virus avec aux tripes la frousse des lendemains. Ils ont dit que demain ne sera jamais plus comme hier, qu’un nouveau monde apparaîtra à la ligne d’horizon sur la mer, un monde de fêtes et de lumières, un monde égalitaire où tout le monde aura de quoi manger, de quoi travailler et de quoi partir en vacances. Tout le monde aura des masques, des médicaments efficaces, des vaccins, un revenu minimum décent, du P.Q. en suffisance, des primes et des médailles en chocolat, des hôpitaux flambant neuf et des écoles ouvertes tout à trac, un monde sans vague et surtout sans nouvelle vague. Mais déjà, on a peur. Ils redressent la tête. Ils clament à la reprise, à la mobilisation générale (qui comme on sait Monsieur le Président, n’est pas la guerre !) Ils commencent à nous faire serrer les rangs, sous la menace du chômage, de la crise, la terrible crise cette fois, la der des der. Tant pis si le corona a fait des morts (des vieux ou des handicapés), tant pis si les roses n’ont plus d’abeilles (on pollinisera artificiellement), tant pis si les droits des femmes ont reculé (depuis le temps qu’ils avançaient), tant pis si le monde d’après ne ressemblera pas au monde d’avant, parce qu’il sera pire ! Ils ont vu ce qu’ils pouvaient obtenir des peuples par la peur, ils ont envie d’essayer la terreur. Ils tirent sur les foules au Chili, au Liban… Les roses de mon jardin ont l’air rêveuses. Peut-être que notre pire maladie, c’est le manque d’espoir, « puisqu’une telle fleur ne dure que du matin jusques au soir ! »
PARTAGER |
Laisser un commentaire