Le Père Fouettard a pris le pouvoir
Nous n’en parlerons pas. Nous éviterons délicatement les sujets qui fâchent. Pourquoi se flageller ? Pourquoi se faire du mal bêtement en ressassant les mêmes images de misérables virils, de vieux gros ridicules qui font les unes de tous les journaux et les dix mille gros titres des chaînes d’info en continu ? Tentons de regarder ailleurs. Suivons le trajet filant du dernier pigeon du soir. Repaissons-nous les yeux de cette couleur d’or que le soleil fait quand il meurt. Profitons des forêts d’hiver qui laissent nos regards filer entre leurs troncs violets pour entrevoir les toisons vert fluo des mousses qui poussent entre les feuillées. Tentons de nous réjouir des enfants joyeux et fatigués qui rentrent en pépiant de l’école. Restons sous le charme des jeunes filles en fleur, vêtues de laine et de fourrures, telles des Anna Karénine dystopiques, qui auraient trouvé par hasard un portable pour se boucher les oreilles et leur offrir cette élégante indifférence devant les vieux imbéciles baveux qui les concupiscent. Attention ! On a dit non ! On ne regarde que ce qui est beau, apaisant, et chaud comme une flambée dans la cheminée, et doux comme la chatte tricolore qui s’est couchée en ronronnant sur nos genoux. Alors le monde redevient vivant, enfin vivable, avec ces enfantines envies d’émerveillements de première fois. Souvenez-vous de la première fois que la graine plantée au printemps a fait une fleur en été. Et de cette première fois qu’on a vu la mer se jouer du soleil ? Rappelez-vous la première fois qu’on a vu la neige. Quel talent magique a-t-elle d’adoucir les images immaculées du monde ! Et aussi quand cette paix blanche étouffe les bruits du monde ! Mais alors, combien est-elle froide si ce monde t’a jeté dehors ? Si perdu sous les larmes, le monde s’écartèle dans le fracas incompréhensible des armes ? Stop ! On arrête ! On avait dit qu’on tiendrait le coup, que ni la bêtise des tyrans élus par des peuples stupides, ni le bruit des bottes sur le pavé, ni des chenilles des chars sur les routes du malheur, ni les déflagrations des bombes qui font que les enfants ne savent plus comment s’arrêter de trembler ne viendraient nous plomber le moral. J’aurais tant préféré en rire, en faire des bonnes blagues, de jolis mots d’humour, bien caustiques, contre ces sacs à fric, ces mannequins d’étoupe, ces hommes de paille, ces sales épouvantails à effrayer les gens. Pardon. Je n’aurais pas dû. J’ai craqué. Ne m’en veuillez pas trop, tout le monde peut se trumper.
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