Rêvons !
Cela avait commencé comme dans un rêve. Derrière son haut portail, sommeillait un domaine dont les arbres centenaires gardaient l’entrée. Entre village et forêt, le Domaine des Trois Châteaux enfermait ses secrets dans les plis de vieilles histoires. Effectivement, il y avait trois grands châteaux construits par une riche famille pour le maître et ses fils. Et puis après les guerres, la misère des enfants abandonnés y a trouvé abri et plein de rêves d’avenir pour un monde de générosité. Et puis, les services sociaux ont vu fondre leurs moyens, sous les pluies acides du monde des profits. Après quelques tentatives pour mettre à couvert les plus défavorisés des rues de Paris, le Domaine des Trois Châteaux s’est refermé sur lui-même, comme ces châteaux des contes de fées, clos dans des ronciers inextricables. Son ancien directeur, affligé d’un tel échec, a rêvé d’y faire revivre la joie, la bienveillance et la résilience contre les souffrances humaines. Une crèche, un institut pour enfants autistes, une école hôtelière, une auberge pour éco-cyclistes, un institut de recherche sur le bois, une pépinière d’entreprises, un café solidaire, des espaces pour des écoles de théâtre, de musique, un bâtiment « inclusif » pour les gens âgés, ou handicapés, ou seulement à la recherche de petits loyers, et enfin un centre de protection et de soins pour les femmes handicapées victimes de violences. Des gens du coin ont formé autour de lui une petite équipe pour rêver ensemble. Mais alors, un terrible champignon du bois s’est mis à dévorer charpentes et planchers, tels des gâteaux livrés à son insatiable gourmandise. Néanmoins, grâce à la générosité du maire et de son village, le rêve a survécu. Ils ont offert le terrain des Ronciers, en haut du village. Et là, dans le soleil et le printemps qui allume les fleurs des buissons, des associations de lutte contre l’ostracisme où croupissent les victimes blessées de notre société, les murs d’un centre de sécurité et de soins et d’un beau bâtiment d’habitation solidaire vont sortir de terre. Grâce à ceux et celles qui savent encore rêver ensemble, grâce à la générosité d’un village et de son maire, grâce à l’énergie de la petite équipe de vieux fous cristallisée autour de l’ancien directeur du Domaine des Trois Châteaux, grâce aux associations de combat contre la misère humaine, grâce aux services publics et à leurs administrations, pleines de ces fonctionnaires de l’État français qui vivent de l’argent de vos impôts, si difficilement extrait de vos difficultés quotidiennes, le rêve continue. A Coye-La-Forêt, au Sud de l’Oise, on continue à croire dans cette société nouvelle, celle dont on parlait quand on avait le Covid, une société où les gens forts sont ceux qui protègent les plus faibles, une société généreuse, capable d’élever des enfants.
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