Le Vain Mars
Les giboulées, les derniers froids, les premières fleurs, les chants d’oiseaux, le joli mois de Mars est-il là ? Non, il s’agit de Mars, l’archaïque dieu de la guerre au casque d’airain. Les hommes rentrent la tête dans les épaules. Les battements lourds des tambours de guerre vibrent dans les écrans médiatiques. Si un avion passe la colline, le promeneur cherche des yeux un abri. Les hommes se raidissent. Au bord de l’abîme de la catastrophe climatique, l’humanité décide un « grand bond en avant » ! Enfin, ces messieurs vont comprendre les raisons des injonctions éducatives à la violence dans lesquelles ils baignent depuis l’enfance. Ils ont appris l’usage intensif de la domination, du défi ombrageux à l’abus de pouvoir. Il savent tout faire, les brutalités dans la cour de récré, les conduites à risque, les addictions, les pugilats et autres bourre-pifs, jusqu’aux les po-gos des concerts et les hakkas du stade. Si tu es un homme mon fils, tu dois défendre la société jusqu’à la sauvagerie. Mais tu dois toujours rester le gentil garçon de ta maman. Comment être les deux ? Perdus, ils se vengent sur leurs sœurs, leurs femmes, leurs filles, leurs mères et leurs grands-mères : les injures à l’école, les harcèlements au collège, les inégalités de ressources pour qu’on puisse les acheter quand on veut, les dragues cool=agressions sexuelles, les viols vite bâclés qu’elles aiment tant, les féminicides rebaptisés crimes passionnels sans en parler trop fort parce que sinon les féministes nous prennent la tête. « Si on ne peut même plus draguer, alors ! » Dans notre culture d’hommes, quand même, cela a un prix. Bon nombre de messieurs devront mourir dans la puanteur de fosse septique des corps hachés par les canons. Pendant 70 ans, en France, ils ont oublié la facture, sauf un peu dans les dernières colonies de la République, genre l’Algérie, mais c’était pas chez nous. Alors quand les femmes disaient que ce n’était pas juste avec leur MeToo et qu’elles leur intimaient d’appliquer leurs beaux idéaux égalitaires, universels et démocratiques au 51% féminin du peuple français, ils baissaient le nez. Certains commençaient à avoir honte et à se sentir ridicules à chanter bourrés sur leur tas de fumier. Mais voilà le printemps, le temps des fleurs et des amants, qu’on écrase sous des promesses de mort, d’horreur et de sang. Alors, les hommes ont peur mais ils se redressent et toisent les femmes : maintenant avec la guerre, ils ont bien le droit.

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