Traine la traine de la comète derrière le train-train commun.
Les larmes de l’aube ont séché sur les vitres épaisses et laissent voir de la France ses lignes étirées, essuyées par la vitesse. Le train file dans la grisaille. Les wagons sont remplis de familles en passe de réunir leurs lassitudes et leurs besoins d’espoir. Noël creuse des nids dans les salons, devant les âtres, des nids de réconfort pour les gens dans la peine. Au creux de l’hiver, Noël réanime ce besoin de chaleur, de lumière et de retrouvailles, suscité par la crainte de la victoire de la nuit, dans la gloire de son solstice. Rien qu’une toute petite étoile suffit pour que l’ombre se brise. Le train fuit, écrasant les rails et le temps des horloges, dans sa rage d’arriver au nid originel. C’est le retour à la famille, à l’ombrage rassurant des arbres généalogiques. Retrouvailles et ripailles. Les émotions réclament des ventres pleins, des rires d’ivresse, des chaleurs de caresse. Le tout est servi chaud, saupoudré d’une neige de poésie et de légendes dorées, chatoyant d’histoires de reine et de roi, d’anges et de démons, à faire frémir les cœurs d’enfants. Alors si la sauce prend, si les rancœurs ombrageuses cèdent devant les flammèches de l’âtre et les chandelles allumées sur la table de la salle à manger, on parlera de magie de Noël. Même si le vieil oncle radote encore un peu plus et si la tante reste toujours aussi agaçante à tout vouloir régenter, ils sont des nôtres ! « Ils lèvent leur verre comme nous autres ! ». Ils sont d’autant plus nos références identitaires qu’ils ne changent pas trop, qu’ils existent encore, même si leurs rangs s’éclaircissent avec les années. « Famille, je vous hais ! » mais néanmoins heureusement que vous êtes là. Creusets des ombres, des crimes et des secrets, les familles sont haïssables avec leur pouvoir destructeur, leur capacité d’enfermement, de corruption d’enfant, de castration de mâles et de viol de femelles. Mais quand les familles se recomptent, se racontent, se refont le cercle de murailles et reconstruisent leur fondations, les familles sont adorables. Elles évident les cœurs en havres de paix et de résilience. Elles construisent des bibliothèques d’histoires antiques et de mythes fondateurs. Quand Noël génère assez de poésie chaleureuse, cela permet des multitudes d’échanges miroitants, de reflets déformants et de jeux de miroirs. Alors les familles recueillent les paroles sacrées des souffrances intimes. Alors les familles se creusent en vasque pour recevoir nos envies de vivre, se façonnent en vase élégant où fleurissent nos envies d’aimer.

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