Le Baladin du Monde occidental
De John Millington Synge
Mise en scène : Patrick Alluin
Quelques chaises, deux tonneaux, une planche, des caisses de Guinness et, sur le comptoir improvisé, une bouteille de whiskey. Il n’en fallait pas plus pour camper sur la scène du Centre culturel de Coye-la-forêt une Irlande catholique empreinte d’une profonde ruralité coincée dans les couloirs du temps.
Un soir de pleine lune et de veillée mortuaire où s’apprêtent à aller fêter la Vie, la Mort, tous les hommes avinés du village, surgit dans ce pub – épicerie-tabac oublié sur sa colline, Christy Mahon, un jeune paysan épuisé et apeuré. Il vient de tuer son père d’un coup de bêche et a pris la route pour échapper aux « casqués » d’une police que l’on imagine britannique.
Parricide…. La prise de conscience des autochtones de la réalité de ce tabou ultime et sa barbarie, s’ils les surprennent, entraînent cependant une large adhésion. Et l’on voit éclore, plébiscité notamment par la gente féminine, un Christy de plus en plus charismatique.
Portée par des balades irlandaises au son du violon, de l’accordéon et même du hard rock sorti d’un improbable transistor qui viennent rythmer l’intrigue et la belle énergie d’une troupe complice qui crie, se bat, danse, boit, la pièce de John Millington Synge est une sorte de tragédie antique qui ne dit pas son nom.
Des femmes esseulées comme la jeune Pegeen Flaherty, la fille du tenancier, promise à un mariage avec un être falot, veule mais riche, la veuve Quin qui a perdu mari et enfants et se débrouille vaille que vaille pour faire tourner sa ferme dans l’attente d’un homme, un vrai, qui pourrait la sauver … Autant d’héroïnes qui n’ont rien de résigné. Chacune tente ce qui lui reste de chance auprès de cet antihéros.
Alors que celui-ci gagne toutes les épreuves des jeux irlandais traditionnels sur la plage, surgit le père, mort vivant sanguinolent qui n’en revient pas mais … de voir son fils, pauvre image de lui-même, transformé en vedette du jour. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, les tristes sires de cette épopée n’auront de cesse de rejeter celui qu’ils ont chanté ;
Prenant alors la route, Mahon qui n’est plus désormais auréolé de mystère, laissera là livrée à sa solitude Pegeen. Il aura sans doute des lendemains qui chantent…
Allez. « Sláinthe » (« A votre santé » en irlandais).
LE BALADIN DU MONDE OCCIDENTAL De John Millington Synge
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