"Bonjour chez nous" Mr McGoohan
Patrick McGoohan, auteur, producteur, réalisateur et acteur principal de la série télévisée Le Prisonnier, est mort mercredi13 janvier à l'âge de 80 ans, loin de chez nous à Los Angeles. Lui rendre hommage, sur ce blog entièrement consacré à Coye-la-Forêt, aura peut-être de quoi surprendre. Et pourtant… à une époque où le gouvernement français entend rattraper son retard sur l’Angleterre en matière de vidéosurveillance et où nos projecteurs sont braqués sur le vrai-faux projet de la municipalité qui réfléchit à l’installation de 13 caméras sur la voie publique, je ne peux résister à la tentation d’évoquer ce téléfilm visionnaire des années 60 qui, malgré les défauts du genre, reste un singulier mélange d’Orwell, d’Huxley et de HG Wells.
Au volant de sa Lotus Super Seven, immatriculée KAR120C, un homme roule à toute allure dans les rues de Londres, pénètre dans le parking de l’immeuble d’un organisme inconnu, arpente un long couloir obscur, déboule dans le bureau de son supérieur, lui remet sa lettre de démission et frappe rageusement du point sur la table avant de rejoindre son domicile, suivi discrètement par une voiture noire. Pendant ce temps, sa fiche signalétique marquée d’un X est soigneusement rangée par une machine dans une immense salle d’archivage. Rentré chez lui, alors qu’il plie bagages, un homme aux allures de croque-mort sort de la voiture noire, injecte un gaz dans la maison du démissionnaire qui, aussitôt asphyxié, perd connaissance. A son réveil, il se retrouve prisonnier dans « le Village » dont il ne s’échappera qu’au 17ème épisode après plusieurs tentatives d’évasion.
Dans ce « charmant petit village » (comme le notre… ), les caméras de surveillance sont partout, le dehors y est enfermé, quadrillé, surveillé en tous ses points ; les moindres mouvements y sont contrôlés, tous les événements y sont enregistrés. Les habitants n’ont pas de noms mais sont tous identifiés par un chiffre. Ce chiffre fait de chacun un agrégat de données numériques ayant une place bien définie dans un Ordre bien défini (comme pour nous aujourd’hui avec nos N° d’INSEE, portables, cartes bleues, digicode, immatriculation, etc. ). Dans « le Village », peu importe ce que chaque « Numéro » pense dans son for intérieur, ses idées, ses opinions… Les instruments de surveillance, aux mains d’un pouvoir invisible, incompréhensible, abstrait et anonyme (on ne voit jamais le Numéro 1), ne sont là que pour rendre possible les plaisirs, les divertissement et les amusements, qui demeurent les seuls mots d’ordre de cette société. Le pouvoir est méticuleux, mais il n’est pas contraignant, du moins en apparence, et si par exemple, on peut faire du bateau, il ne faut jamais s’éloigner de la plage, sous peine d’y être reconduit de force par une gigantesque boule blanche, opaque et rebondissante, symbole de la toute puissance technique d’un système parallèle de répression, au cas où il faudrait contraindre les déviants. Mais quand la boule n’y est pas, il règne dans ce village un paisible parfum de colonie de vacances, genre « Village » du « club Med », quelque chose d’insouciant dans cette population qui n’a plus à penser à rien car le pouvoir s’occupe de tout . Tout le monde est apparemment heureux, tous sauf le « prisonnier », ce trouble-fête subversif, ce rabat-joie contestataire, ce critiqueur-né, qui refuse justement de tronquer sa liberté contre des plaisirs et des divertissements puérils. « Je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre ! » est devenue la réplique « culte » de cette série.
A voir ou à revoir, le prisonnier demeure encore une critique acerbe et ironique d'une société imaginaire à l’ombre de laquelle on se surprend parfois à y retrouver notre actualité. "Bonjour chez vous". Adieu numéro 6.
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5 commentaires
Commentaire de: Jacqueline Chevallier Membre
Commentaire de: Marie Louise Membre
Merci pour l’idée de lecture. C’est bien d’avoir des provisions!
Commentaire de: jeanne Visiteur
Bonjour, j’ai découvert une chanson que j’aime bien. C’est une belle histoire qui demande aux caméras de surveillance de ne pas intervenir dans notre liberté.
Voila, j’espère que vous apprécierez.
Commentaire de: Marie Louise Membre
Merci Jeanne. Une chanson sur le blog, c’est ce qui manquait. Quelle joie de voir cette petite fille ds la nature, libre… Il faut que “les anciens” lui préservent cette joie.
Commentaire de: airfranck Visiteur
pour infos le college en allemagne qui a fait l actualité cette semaine n’était pas sous video surveillance mais qu est ce qu elle aurait pu changer a ce fait divers
Dans le même ordre d’idée, je recommande la lecture ou la relecture du roman d’Ira LEVIN, intitulé "Un bonheur insoutenable". Il décrit un monde parfait, où il pleut la nuit et où il fait toujours beau le jour. Il n’y a plus aucune agressivité entre les hommes qui ont tout pour être heureux, tout ? sauf la liberté. Outre l’intérêt philosophique du propos, c’est un roman d’aventure passionnant, avec beaucoup de suspens et de rebondissements jusqu’à la dernière page. A mettre entre toutes les mains.
Jacqueline Chevallier