À MON ÂGE, JE ME CACHE ENCORE POUR FUMER
De Rayhana
ID Production
Mise en scène : Fabian Chappuis
Vendredi 24 mai 2013, 21h30 : une musique orientale, une femme au corps dénudé se lave dans la pénombre…nous sommes dans un hammam d’Alger à l’heure des femmes. Huit d’entre elles, jeunes et moins jeunes, riches ou pauvres, viennent une à une sacrifier au rituel de beauté traditionnel, tandis qu’une neuvième, sur le point d’accoucher, est enfermée à l’insu de presque toutes dans un cabinet attenant. Nous savons qu’un drame va se jouer, et alors que s’accomplissent sous nos yeux les gestes de purification habituels, les langues se délient et les secrets éclosent. Nous, spectateurs, surprenons ces femmes dans leur intimité et la valse commence… Après avoir lu le synopsis, nous nous étions fait une idée assez vague , bon enfant, d’une conversation à huit clos entre femmes : forcément il y aura des petits secrets, des chamailleries, des rires…mais là ! On aurait dû annoncer un avis de «tempête sous le crâne». Les réactions sont vives, les répliques fusent, quel rythme! C’est le grand déballage… sur tous les sujets qui font la vie de ces femmes algériennes. Les mots étaient crus et, si l’on pouvait être choqué par certains d’entre eux, reconnaissons qu’ils avaient le mérite de dire la réalité sans tourner autour du pot, car après tout le langage n’a rien inventé, c’est la réalité elle-même qui est crue.
Dans cette petite parenthèse qu’est le hammam, nos huit femmes avaient des choses à avouer, des comptes à régler, des rêves à chanter, des actes à justifier, et nous en avons eu la gorge nouée, l’imagination bousculée, l’esprit dérangé mais nous n’avons pas pu réprimer le rire qui nous était si souvent arraché par des répliques parfois cultes et le jeu exceptionnel de ces formidables actrices!
Comme toujours à la fin d’un spectacle, nous avons besoin de partager nos impressions sur ce que nous venons de voir et d’entendre. Les réactions ne se font donc pas attendre : «Véridique», «fin», «dérangeant», «superbe», «profond», «lourd», «magnifique», «drôle», «cru» (dommage de ne pouvoir les recueillir tous). Nombreux et divers étaient les mots pour tenter de décrire cette expérience, chacun décrivait à sa manière l’un des aspects de cette pièce qui ne nous laisse de toute façon pas indifférents. Car oui, certaines réalités évoquées sont lourdes et dérangeantes: le viol organisé de celles que l’on (aban)donne en mariage à l’âge des jeux innocents, les grossesses répétées, la pauvreté, la violence domestique et sociale, la solitude, le manque d’enfant, l’intolérance, le fanatisme religieux et ses conséquences insoutenables, etc. Ces femmes se disent leur colère, leurs frustrations, Fatima se dit même « abandonnée de Dieu », mais jamais le découragement ne prendra le pas sur la vie qui doit se poursuivre vaille que vaille à l’image de cet enfant qui va naître. Et lorsque la tragédie a lieu finalement, n’oublions pas l’amitié, l’amour, la tendresse, la compassion, la force, la solidarité, la joie dont nous avons été témoins, qui lient ces femmes tout autant que les secrets qu’elles partagent désormais.
De très chaleureuses félicitations aux comédiennes :
Marie Augereau (Fatima, masseuse)
Myriam Loucif (Zaya, jeune intégriste, et Myriam, jeune fille enceinte)
Paula Brunet Sancho (Madame Mouni, une immigrée en France)
Linda ChaIb (Samia, masseuse)
Rebecca Finet (Nadia, étudante)
Catherine Giron (Louisa, femme au foyer)
Maria Laborit (Aïcha, belle-mère)
Taïdir Ouazine (Latifa, institutrice)
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1 commentaire
Commentaire de: Juliette Visiteur
Magnifique! Un beau texte porté par des actrices hors pair. Mon coup de coeur du festival!