JE SUIS CHARLIE
Il y avait le dessin, il y avait le rire.
Le dessin, je ne sais pas faire. Rire, je n’ai pas trop envie ce soir. Pourtant les copains de Charlie Hebdo disent qu’on peut rire de tout.
Alors, je cherche… De quoi vais-je rire ? Avec des mots bien sûr.
Je pourrais rire du voile dont s’est affublée depuis quelques mois mon ancienne élève, elle à qui j’avais expliqué Voltaire et Simone de Beauvoir,
Je pourrais rire du prêchi prêcha du dimanche sur la félicité qui attend dans l’au-delà les miséreux d’aujourd’hui,
Je pourrais rire des génuflexions du catho à qui on a enseigné la compassion, la bonté et autres vertus et qui se délecte à mordre à belles dents…
Rire des églises vides qui laissent dormir dehors les Jean Valjean d’aujourd’hui
Rire du Juif massacré qui massacre à son tour.
Je pourrais rire de la peur qui nous habite, tous bien claquemurés derrière volets clos et serrures fermées à double-tour, de notre enfantin besoin de sécurité et de notre illusion de l’avoir enfin obtenue grâce à… tout un arsenal infaillible.
Mais quand la haine explose, quand le fanatisme religieux devient la seule réponse à une recherche d’identité et à un besoin d’exister, je me dis que j’ai manqué une marche quelque part, je me dis que j’ai été trop tolérante pour ne pas heurter, que je n’ai pas assez dit, pas assez parlé, pas assez expliqué. J’étais une enseignante laïque. La religion, on n’y touchait pas. Respect des croyances de chacun. Heureusement quand Voltaire se présentait, je dois dire que j’en profitais un peu pour faire naître le doute, tout du moins je l’espérais.
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Qu’est-ce que j’aurais dû expliquer de plus ? Par exemple que, pour vous tenir compagnie, pour vous aider à avancer dans cette galère que peut parfois être la vie, il n’est pas indispensable d’avoir recours à Mahomet, ou Vishnu ou Dieu ou Brahma ou la déesse Hina. Il y a Baudelaire ou Chopin ou Picasso, il y a l’aube en forêt ou la lune qui éclaire le chemin noir, les vagues qui mouillent les pieds, il y a la mosquée de Cordoue, la basilique de Vézelay, les jardins de Grenade, le Kilimandjaro, la muraille de Chine. Et l’amour. Vous ai-je emmenés assez loin ? Tout cela, quand on fait l’addition, ça pèse lourd quand même, non ? Je ne l’ai pas assez expliqué. Pas assez expliqué que la libre pensée, la pensée libre est plus puissante que toutes les dictatures, les prophéties, les dogmes religieux, les obscurantismes, les conquêtes militaires. Qu’elle ne sera jamais vaincue.
Merci à Cabu, à Wolinski, à Tignous, à Charb et à Honoré pour nous avoir offert votre mine et votre pensée. Et votre rire décapant, votre irrévérence qui envoyait le sacré par-dessus les moulins.
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1 commentaire
Commentaire de: jean Membre
Ni Dieu ni Maître
Rien que la pensée