COUP DE SANG
J’étais à République, le dimanche 11 Janvier 2015.
Le sang a encore coulé. Il y a eu le massacre systématique de la rédaction du journal Charlie-Hebdo, pour effacer dans la mort et le sang des dessins « blasphèmes » rigolards. Et puis, il y a eu les meurtres de gens, blasphèmes vivants parce que juifs ou policiers. Tout s’arrête enfin, dans le sang des trois malheureux petits imbéciles venus s’embrocher sur les balles blasphèmes des tireurs d’élite. Informés heure par heure par des journalistes scandalisés, le gens sont choqués profondément. La République est en danger.
Hier alors, dimanche après-midi, j’étais à la République. Une foule noire, impressionnante, remplit chaque interstice de chaque ruelle, de chaque avenue et s’écoule en lent basalte vivant. Il fait beau. Un ciel bleu couvre les toits brillants. Les arbres des boulevards sont noirs. Les gens sont calmes et souriants, avec dans le regard quelque chose de triomphant. Il y a des parents, des grands-parents, des couples, des enfants, des jeunes et des vieux, des voitures d’enfants et des fauteuils roulants. Il y a des arabes, des juifs, des chrétiens, mais surtout des gens qui ne disent pas à quoi ils croient. Il y a des jaunes, des noirs, des blancs, et des gens qui sont déjà le mélange de tout ça.
Extraordinaire marche d’un peuple calme. Pas de slogan autre que « Je suis Charlie », quelques salves d’applaudissements courent sur la foule en petites vagues. Le vent froid fait se serrer les gens les uns contre les autres, le nez en l’air vers les badauds des fenêtres. Chacun regarde l’autre, impressionné par sa présence en ce jour colossal. Chacun se désigne semblable. L’esprit qui domine n’est pas tant libertaire qu’égalitaire. Chacun s’appelle Charlie. Les enfants s’appellent Charlie. Un grand gaillard noir ? Charlie. Une petite jeune fille aux grâces félines ? Charlie. Un vieux mal rasé ? Charlie. Une grand-mère colorée ? Charlie. Un Imam ? Charlie. Sarkozy ? Charlie. Pas de tête qui dépasse sauf les quelques couronnées du début du cortège que la foule des Charlie a depuis longtemps absorbées.
Les morts écœurantes des jours derniers ne sont peut-être pas les seules à peser lourd dans la tête des gens. Le vase de sang est rempli à ras par les massacres syriens, palestiniens, nigérians, centre-africains, pakistanais (la liste n’est pas exhaustive) et les guerres malienne, irakienne, afghane… de l’actualité. Ce jour-là, il déborde dans les cœurs des Français désabusés. Nous sommes fiers d’être là, alors, à la République
.
Nous marchons enthousiasmés par notre nombre, heureux que cette marée noire soit marée humaine et non foule revancharde. Les gens marchent pour défendre les valeurs de notre République française, dans notre civilisation européenne du 21ème siècle, pour la liberté de la presse, la liberté de parole et surtout pour l’égalité des gens. Nous sommes tous des Charlie. Et les femmes aussi. Pas de costume, pas de bannières, très peu de drapeaux (remarquable drapeau tombant en tenture de la fenêtre d’un premier étage, fabriqué visiblement à la hâte avec trois T-shirt aux couleurs de la France), pas d’autre chant que de courtes Marseillaises, pas d’autre signe de reconnaissance que cette petite affiche noire qui a fait le tour du monde.
Nous sommes heureux, libres et fraternels. Mais aussi, nous sommes égaux. Le soleil du soir joue dans les chevelures féminines chatoyantes de toutes les couleurs, brunes, blanches, blondes, rousses, grises ou noires, qui voguent libres dans le vent frais. Il n’y a pas de drapeaux plus héroïques. Nous étions tous Charlie, dimanche, pour la République.
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3 commentaires
Commentaire de: caillou Membre
Commentaire de: Jacqueline Chevallier Visiteur
.La belle prisonnière des soldats : hier la France occupée par les nazies, aujourd’hui la Liberté meurtrie par les terroristes.
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l’échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Qu’importe comment s’appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l’un fut de la chapelle
Et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l’un chancelle
L’autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l’autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l’aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu’aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
À la terre qu’il aima
Pour qu’à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
L’un court et l’autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L’alouette et l’hirondelle
La rose et le réséda
Louis Aragon (in La Diane française)
Commentaire de: Marie Louise Membre
Après ces poèmes on peut ajouter le très bel hommage rendu par le chœur de l’Opéra de Paris avant la première de Don Giovanni.
Suivre le lien : http://www.operadeparis.fr/videopera/recueillement-et-hommage-l-opera-bastille-du-15-janvier
Abderhamane, Martin, David
Et si le ciel était vide
Tant de processions, tant de têtes inclinées
Tant de capuchons tant de peur souhaitées
Tant de démagogues de Temples de Synagogues
Tant de mains pressées, de prières empressées
Tant d’angélus
Ding
Qui résonnent
Et si en plus
Ding
Y’a personne
Abderhamane, Martin, David
Et si le ciel était vide
Il y a tant de torpeurs
De musiques antalgiques
Tant d’anti-douleurs dans ces jolis cantiques
Il y a tant de questions et tant de mystères
Tant de compassions et tant de révolvers
Tant d’angélus
Ding
Qui résonnent
Et si en plus
Ding
Y’a personne
Arour hachem, Inch Allah
Are Krishhna, Alléluia
Abderhamane, Martin, David
Et si le ciel était vide
Si toutes les balles traçantes
Toutes les armes de poing
Toutes les femmes ignorantes
Ces enfants orphelins
Si ces vies qui chavirent
Ces yeux mouillés
Ce n’était que le vieux plaisir
De zigouiller
Et l’angélus
Ding
Qui résonne
Et si en plus
Ding
Y’a personne
Alain Souchon
Album ‘ la vie Théodore ‘