DE QUOI PARLEZ-VOUS ?
D’après Jean Tardieu
Compagnie C’est-pas-du-jeu
Mise en scène : Sophie Accard
A la pièce sombre et cruelle de Peter Handke succède un spectacle jubilatoire et fantaisiste. La troupe C’est-pas-du-jeu dirigée par Sophie Accard (metteure en scène et merveilleuse comédienne) nous présente un patchwork tissé de cinq courtes pièces de Jean Tardieu, reliées par des transitions habiles : additifs qui requièrent un jeu silencieux, des personnages pendant le changement de décor, intervention d’un narrateur-présentateur.
Le spectacle s’ouvre sur un duo parfaitement huilé entre Monsieur A (Tchavdar Pentchev) et Madame B (Anaïs Merienne) dominé par l’implicite, car les phrases ne sont jamais achevées – « Finissez vos phrases ». Au spectateur de deviner les non-dits suggérés par la gestuelle et les mimiques ininterrompues !
Suit « Oswald et Zénaïde » : Deux amoureux transis sont incapables de se dire que leur père fait obstacle à leur mariage. Les apartés – clin d’œil au spectateur – se substituent naturellement aux dialogues et ce jeu d’inversion devient un nouveau ressort du comique.
Dans « De quoi s’agit-il ? », un couple (Jérôme Rodriguez et Anaïs Merienne) tente d’expliquer à un juge (Tchavdar Pentchev) sur son perchoir, partiellement occulté par un rideau, l’objet de sa démarche. La confusion est totale. Qui est coupable ? De quoi ? Où ? Elle gagne les trois personnages qui s’emmêlent de plus en plus dans le langage. Le juge hystérique devient curé, confesseur. On l’appelle M. le proviseur, Docteur…
Dans la pièce « Le guichet », la satire est plus profonde. Jean Tardieu dénonce la bêtise d’une administration sans âme. Là encore surgit le duo mécanique et complice qui recourt au classique jeu de répétitions de gestes et mots. Mais la situation devient kafkaïenne et le client reste seul avec son mal-être et repart vers son destin tragique : l’accident mortel.
Le spectacle s’achève par une parodie de la comédie de boulevard : « Un mot pour un autre ». Nous sommes dans un salon mondain 1900 – clin d’œil à Feydeau. Tous les ingrédients du vaudeville sont dans la marmite : deux comtesses pour un même amant, le comte volage dont la fourberie sera mise à nu – concrètement puisqu’il se retrouve en slip sur scène – Et de rire, bien entendu !
La prouesse de Jean Tardieu, et donc des comédiens, consiste à déstructurer le langage qui devient le personnage principal : sonorités décalées, détournements sémantiques, inventions… Le sens est perturbé, on le saisit avec du retard alors que le dialogue se poursuit à un rythme endiablé.
A ce jeu difficile les quatre comédiens sont parfaitement rodés. Ils ont déjà joué plus de 125 fois leur pièce, notamment en Avignon. Ils transmettent au public leur jeunesse, leur plaisir du jeu théâtral et leurs rires fous. C’est à qui grimacera le mieux – et les comédiennes y sacrifient leur fraîcheur et leur beauté.
Si le décor est minimaliste (deux grandes glaces, un porte-vêtement, un triste rideau), les costumes – élégant macfarlane, costumes vénitiens, robes de Jouy, gilets à damier – sont chatoyants. Ils apportent des taches lumineuses et contribuent à la magie poétique.
La musique – reprise des classiques – se devait, comme la langue, d’être remaniée, ce qui est fait avec habileté.
Bref, un excellent spectacle, ovationné à juste titre. Nous souhaitons à cette troupe vibrante de jeunesse un avenir radieux et encore un franc succès pour son prochain spectacle, une pièce d’un auteur bulgare, Stanislas Stratiev, dont Tchavdar ne nous révélera pas le titre…
Galerie PHOTOS : DE QUOI PARLEZ-VOUS ? D’après Jean Tardieu
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1 commentaire
Commentaire de: fessol Visiteur
C’est Tardieu possible !!!