Loin de Linden
De De Veronika Mabardi
Atis Théâtre, Coproduction Le Rideau de Bruxelles
Et le Manège de Mons
Mise en scène : Giuseppe Lonobile
A Coye- la –Forêt, les spectacles se succèdent et ne se ressemblent pas. Aujourd’hui, jeudi 19 mai, théâtre intimiste : Loin de Linden, pièce écrite par Veronika Mabardi et mise en scène par Giuseppe Lonobile.
Deux récits de vie sont remarquablement interprétés par deux comédiennes talentueuses, Valérie Bauchau ( Clairette) et Véronique Dumont ( Eugénie). La scène est ouverte, le décor minimaliste : une table de cuisine en formica et quelques chaises des années 60. Un narrateur/ acteur / petit-fils accueille le public et explique sa démarche
au spectateur qui, d’emblée, entre dans le jeu de la mise en abyme.
Il a convoqué ses deux grands-mères qui se connaissent à peine, ne se sont jamais rencontrées dans le petit village de Linden, près de Louvain, empêchées par une barrière sociale infranchissable.
Eugénie (Véronique Dumont) est flamande, simple, spontanée mais inculte et soumise à la hiérarchie sociale. Son père était garde-chasse du comte et les comtes en ce temps-là, « ils avaient tout pouvoir sur les gens », dit-elle. Elle raconte peu à peu sa vie, son enfance, les moments de bonheur partagés dans une famille nombreuse pauvre. Remontent alors en sa mémoire le souvenir des tartes cuites dans le grand four les jours de kermesse, sa rencontre avec Théophile (Ah! Théophile...) dont elle a gardé une photo. Et la photo en noir et blanc de circuler parmi les spectateurs !
Véronique Dumont si gauche dans sa robe à fleurs désuète colle à la peau de son personnage. Elle est saisissante de justesse et de vérité. Elle émaille ses propos d’expressions flamandes, multiplie les mimiques suggestives, éclate d’un rire franc, danse un quadrille endiablé avec son petit-fils...
Face à Eugénie, Clairette. Elégante dans son pantalon fuseau, perchée sur des chaussures à talons compensés, elle reste distante, prisonnière d’une éducation bourgeoise et conformiste. Elle est la fille du général De Witte, défenseur héroïque du Fort de Waelhem en 1914.
Valérie Bauchau incarne le personnage avec finesse et délicatesse.
Elle raconte son enfance au Pensionnat de Bruxelles, les frasques de son père qui ruine sa famille, les turbulences d’une vie compliquée : deux maris, 30 ans d’ Egypte, 10 ans au Canada... Donc toujours loin de Linden.
En fait, les deux femmes ne s’écoutent pas vraiment, n’amorcent pas de véritable dialogue pour rompre le silence de toute une vie. Quelques signes de curiosité ou d’étonnement parfois et c’est tout.
Qu’ont de commun ces deux grands-mères sinon leur petit-fils ? La rencontre semble illusoire. Pourtant Clairette comprend tardivement le poids de son éducation qui façonne son regard sur les autres. Elle aurait pu faire un effort pour se rapprocher d’Eugénie. « 0n te donne un regard et avec ça tu regardes le monde », dit-elle.
Loin de Linden est une pièce intimiste, tout en subtilité où le regard distancié du petit-fils et du spectateur aide à délier des fils tissés pour la vie.
Derrière cette histoire de famille se profilent les problèmes sociétaux notamment les guerres coloniales et la crise identitaire de la Belgique.
Fabien Laisnez propose un éclairage en harmonie avec le jeu des acteurs et l’absence de fond sonore permet au spectateur de se concentrer sur les paroles et les non-dits.
Bref, un spectacle très apprécié et chaleureusement ovationné par le public.
Bravo à l’auteure de ce texte à caractère autobiographique !
Bravo au réalisateur !
Bravo aux deux comédiennes qui ont si justement interprété ces deux grands-mères !
PARTAGER |
Laisser un commentaire