La pensée unique de l'Homme
Ô combien de penseurs, prophètes et philosophes sont partis solitaires sur la mer de la réflexion, brouillards des certitudes, embruns des convictions, ô combien de journalistes et d’écrivains célèbres ont pris la plume comme on prend la mer et sont tombés, bouche-bée, sur les récifs du doute et les brisants acérés du désespoir ! Les beaux discours coulent à pique. Les voilà perdus dans ce monde cruel à s’emmêler les phrases et se mélanger les stylos pour cacher leur ignorance. Ah là, ils sont forts pour allonger les mots, brouiller les sens, tortiller les raisonnements afin d’enfumer le client sur la marchandise. Ils nous parlent de l’Homme, cet être de devoir, lui offrant la déclaration de ses droits comme celle de ses impôts. L’Homme : le sommet de la pyramide de la faune et de la flore. L’Homme, le citoyen, l’électeur, le consommateur, l’usager, le justiciable, l’handicapé, l’étudiant, l’ouvrier, le cadre, le chef d’entreprise, sans oublier le général, le ministre et le président…
Mais cet Homme, chers messieurs les beaux parleurs, n’est qu’un homme. À la réflexion, il pourrait aussi être une femme naturellement, disent-ils, bons apôtres. Ne vous vexez pas si vite, Mesdames ! Mais pour eux, c’est simplement affaire de facilité. On généralise, on analyse, on virtualise, on symbolise, on conceptualise, jusqu’à ne plus rien comprendre. Au mieux, ils ne le reste qu’à pleurer sur l’inhumanité de l’Humanité. Des anciens ratiocineurs, de Platon à Sartre, aux sémillants bateleurs de la philosophie médiatique moderne, ils pensent le devenir de l’Homme en omettant soigneusement le sort des femmes. Leur pensée n’est pas « genrée ». Ils se refusent au moindre amalgame entre leur incapacité à concevoir un avenir à l’humanité et la soumission oppressive d’un sexe par l’autre. Les violences faites aux femmes, la ségrégation sexuelle, la dévoration des corps des femmes et des enfants, restent invisibles ou de négligeables dommages collatéraux. Tout ça n’est pour eux que méprisable « théorie du genre ». Mais en vérité, ces messieurs les grands penseurs aux bustes de marbre panthéonisés ont très peur. Quoi ? Qu’est-ce que l’amour, la vie et la délicate alchimie des amants assouvis ? C’est trop pour eux ! Ces messieurs les grands penseurs sont comme des petits garçons craintifs qui s’arrêtent, interdits, devant la porte de la chambre des parents.
PARTAGER |
Laisser un commentaire