À Bonifacio, la crèche de Paul
Une presqu’île blanche, cernée par la Méditerranée, des falaises dont les flancs crayeux ont été griffés, entaillés et avalés par on ne sait quelle créature. En haut, un village aux maisons ocre et, sur la pointe du rocher comme un éperon dans la mer, un cimetière aux tombes blanches. C’est là que Paul, cette année, a situé la crèche. Souvenez-vous, l’an dernier, l’enfant naissait dans une tente de Bédouins près des temples de Pétra.
Après les sables de Jordanie, voici les vagues bleues de la mer qui ondulent sous la brise, autour du rocher de Bonifacio. « Un clin d’œil à mon gendre corse », justifie Paul. Mais le choix de ce lieu est plus symbolique, ajoute-t-il. Sur la Méditerranée depuis des mois à bord de canots de fortune des familles fuient la guerre, cherchant un refuge. « C’est la thématique autour de laquelle j’ai conçu cette crèche. L’enfant à naître menacé de mort et repoussé de tous serait né aujourd’hui dans une grotte marine. » La future mère ne voyage donc pas à dos de mulet, comme l’iconographie la représente, elle arrive en bateau, laissé sur le sable à l’entrée de la grotte creusée dans la falaise qui abritera la naissance. Pas de paille, mais des filets de pêcheur comme berceau. La famille est bien à l’abri, cachée dans les profondeurs de la roche.
L’image de ce paysage est saisissante, surtout quand elle est vue dans la pénombre. Une multitude de petites ampoules, qui parfois clignotent, font vivre là-haut les maisons du village, hautes et étroites, ocre ou brique, collées les unes aux autres, et scintiller au-dessus des toits
de tuile les étoiles d’un ciel bleu profond ; d’autres, au premier plan, sous le papier bleu de la mer créent l’illusion de vagues en mouvement. « Car il s’agit bien d’illusion, rappelle Paul, je ne reproduis pas un paysage, cela ne m’intéresse pas, je l’imagine à partir des contraintes d’une topographie donnée. »
Les contraintes, dans ce cas, sont liées à la forme si particulière de la presqu’île. On peut visuellement en faire le tour et apercevoir, en perspective, la profondeur de la calanque à l’arrière, ainsi que les hauteurs des collines avoisinantes couvertes d’une verdure naturelle — des conifères à cette saison — qui rappelle le maquis corse.
De même la présence de tours génoises, les fortifications, les églises — Saint-Dominique et Sainte-Marie-Majeure — ne permettent pas d’ignorer que le village qui se dresse ainsi sur le promontoire est Bonifacio. « J’ai voulu créer une presqu’île, respecter la calanque à l’arrière, l’avancée du rocher et faire tenir l’escalier du roi d’Aragon encastré dans la roche. » La légende dit qu’il fut creusé en une nuit par les troupes du roi d'Aragon lors du siège de Bonifacio de 1420.
Les très nombreux personnages, de quelque côté qu’ils soient, peuvent tous accéder à la crèche : soit par l’escalier protégé par le surplomb de la roche, qui descend à la mer et raye la falaise d’une diagonale rectiligne, soit par les chemins de ronde des fortifications qui glissent ensuite doucement vers le rivage, soit par les bateaux qui se faufilent à l’arrière dans la calanque étroite ou qui cinglent du large, voiles gonflées, vers la grotte profonde, but ultime de leur traversée.
Architecte, ingénieur, peintre et artisan minutieux, Paul travaille depuis le début du mois d’octobre sur cette réalisation, d’autant plus étonnante que ses matériaux se limitent au carton, à la peinture et à la colle. Accentuant les reliefs, il a travaillé les couleurs et les ombres, teinté le blanc du calcaire de touches de jaune, de vert et de brun pour restituer avec réalisme les particularités de ce monument naturel dont la pierre a été sculptée par les forces du vent et de la mer. Un paysage spectaculaire pour abriter, on pourrait presque dire cacher, un nouveau-né au fond d’une grotte, fragilité de la vie préservée un moment des furies du monde.
PARTAGER |
2 commentaires
Commentaire de: dominique Visiteur
Commentaire de: Costil Paulette Visiteur
Je suis toujours émerveillée par l’imagination et l’ingéniosité de mon frère qui crée sans plan avec des matérieux on ne peut plus simples au fil du temps ces belles oeuvres, une fois encore toute mes félicitations elle est très belle !!!!!
Incroyablement belle cette crèche! Originale, émouvante et surtout très vivante, on entendrait même le vent dans les voiles, la mer onduler. J’aime aussi le ciel, les personnages, la richesse de la scène.
Comment peut on à partir d’un matériau tout à fait ordinaire, créer un tel tableau? c’est le grand talent de l’artiste!