L’Ombre de la baleine
de Mikael Chirinian et Océanorosemarie
Matrioshka Productions
mise en scène :Anne Bouvier
Mardi 16 mai, nous assistons à un spectacle bouleversant d’une grande puissance symbolique : « L’Ombre de la baleine ».
Mikael Chirinian, accompagné de son double – une marionnette en pull marin rayé (le capitaine Achab ?), manipulée au gré des événements – raconte... Il se raconte et nous plonge dans les eaux troubles d’une histoire familiale : le père, belge, arménien, tunisien est traumatisé par le génocide de 1915 et se réfugie devant la télé, la mère, juive pied-noir, trop aimante, a la nostalgie des rivages méditerranéens et s’adonne à la confection de petits « farcis », le fils meurtri par les disputes s’évade dans la lecture de Moby Dick. Ainsi, le naufrage est en mer, il est aussi dans la famille et en chacun de ses membres. Une voix off, récurrente, égrène les phrases assassines :
« Je vous déteste, je vous trouve minables...
Tu es moche dedans comme dehors. »
C’est la fille à la fois si proche et si lointaine.
Violente, provocatrice, elle pollue l’atmosphère, détruit en s’autodétruisant. Perversion, mal-être insupportable qui la conduira à l’enfermement.
Le comédien, le front perlé de sueur, dit son texte, un beau texte où surgissent parfois des extraits du roman de Melville. Au spectateur de démêler l’écheveau des souvenirs et des références littéraires.
Saluons la prestation de Mikael Chirinian qui interprète tous les rôles avec brio.
Révélons aussi notre émerveillement devant la métamorphose de la scénographie, tout d’abord minimaliste puis magique. L’enfer se transforme en un jardin de roses blanches (délicat origami). L’interprète franchit un portique lumineux décoré d’entrelacs végétal, vers un au-delà purificateur.
Catharsis du théâtre qui ouvre les portes à l’apaisement et à la résilience.
La pièce a été largement ovationnée. Bravo à tous !
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