Festival Théâtral en vue : Rencontre avec Jean-François Gabillet
Un printemps sans théâtre, sans Festival Théâtral à Coye-la-Forêt, cela ne s’était pas vu depuis… depuis… bientôt quarante ans… 1982 ! Le festival annoncé rendait les hivers moins gris et dans l’agenda de la nouvelle année on s’empressait d’en noter les dates pour être sûr qu’on serait bien là à Coye-la-Forêt au mois de mai.
L’ordre des choses fut bouleversé, et il ne fallut pas moins qu’une pandémie pour vider le mois de mai de son habituelle coloration. Toutes les festivités du printemps furent annulées, brocante, fête de la musique, feux de la Saint-Jean…
Mais, ô surprise, le festival résista – le théâtre est décidément une résistance. Et sur l’affiche on vit bientôt paraître le mot « reporté en septembre », et non le fatidique « annulé » qui sévissait ailleurs. La fête du théâtre serait donc pour l’automne. Rien n’était perdu !
Pour tout savoir sur ce petit miracle, la rédaction a rencontré Jean-François Gabillet, président de l’association du Festival Théâtral.
Coye29 : Jean-François, je suppose que l’association du Festival a connu bien des secousses pendant la période que nous venons de vivre.
En effet, la crise est arrivée alors que nous étions en pleine préparation du 39e Festival. Les contrats avec les troupes étaient signés, ils se font en général entre septembre et novembre. Les affiches et les 27 000 programmes étaient déjà imprimés : cette année, il a fallu le faire plus tôt que d’habitude à cause des élections municipales de mars qui solliciteraient les imprimeurs. Compte tenu des circonstances – épidémie et confinement – et des incertitudes quant aux mesures qui seraient imposées ensuite, nous avons dans un premier temps décidé d’annuler la présentation du programme prévue à la mi-avril.
Coye29 : Et comment en êtes-vous venus à choisir de ne pas annuler le Festival, mais de le reporter ?
Nous nous réunissions toutes les semaines par visioconférence, et il y eut de nombreuses discussions, bien sûr, pour envisager les deux options, annuler ou reporter. Le plus simple aurait été d’annuler. Les contrats prévoient le « cas de force majeure ».
Mais nous savions par de nombreux échanges téléphoniques que les compagnies, les comédiens, les techniciens, que tous étaient très inquiets. Tous ceux qui vivent du théâtre étaient en péril. Le monde du spectacle vivant est d’une grande fragilité, chacun le sait. Par ailleurs les spectateurs étaient dans l’attente, les « amis du Festival », les écoles, les lycées… Alors, nous avons décidé de résister et de tout faire pour que ce 39e Festival ait lieu.
Il a fallu choisir une date, pas trop proche du festival du Théâtre de la Faisanderie, La Scène au jardin, qui a lieu en été, et avant les vacances de Toussaint. Ce fut un travail très long, contacter toutes les compagnies, tenir compte de leurs autres engagements, interroger les écoles, collèges et lycées pour savoir s’ils pourraient maintenir leur participation au Festival. Sur le principe, ils ont été d’accord. Finalement nous avons réussi à bâtir un programme avec toutes les compagnies, sauf une, et proposer un avenant aux contrats déjà signés. Les retours des spectateurs ont été très favorables à ce nouveau calendrier.
Coye29 : Pourtant, nous ne savons pas dans quelle situation nous nous trouverons en septembre…
Bien sûr ! Nous ne savons pas quelles seront les contraintes ni même si nous ne serons pas obligés d’annuler cette édition automnale du Festival … Mais, outre les mesures de distanciation et protection qui pourraient être prises, notre atout est notre système de billetterie : les places étant numérotées, le contrôle sera facile quant à l’occupation des sièges et la traçabilité des spectateurs. Et nous innoverons cette année : avec l’aide de trois jeunes qui se sont lancés en informatique, nous mettrons en place, pour limiter les contacts, des billets dématérialisés. Avec un code barre, chacun pourra imprimer ses billets chez soi – une seule feuille pour tous les billets – ou montrer le code sur son téléphone portable. Il sera aussi possible d’imprimer sur place, et nous garderons pour ceux qui le souhaitent l’option de l’achat traditionnel de billets lors de permanences au Centre culturel. Mais nous supprimerons le paiement par chèque à l’avance, par voie postale, qui s’est révélé être trop complexe à gérer.
Une plus grande autonomie dans la gestion de leurs billets sera ainsi offerte aux spectateurs, avec un maximum de sécurité.
Coye29 : Et qu’en est-il du plan financier ?
Nous avons bien sûr modifié les contrats avec les compagnies et les producteurs, en ajoutant les avenants nécessaires. Par ailleurs, les subventionneurs publics – la Commune, la Communauté de Communes de l’Aire Cantilienne, le Département, la Région – ont été très sensibles à la situation et ont maintenu leurs subventions pour le Festival de septembre. Certains nous ont même confirmé couvrir, en cas d’annulation, les frais que le Festival aurait engagés.
Coye29 : Tout cela est très rassurant. Il reste maintenant à découvrir le programme du Festival.
Le programme est déjà en ligne sur le site du Festival, avec une présentation et des photos pour chaque spectacle. L’inauguration du Festival et la présentation détaillée du programme auront lieu dès la rentrée des associations, le samedi 5 septembre à 17h30, salle Claude Domenech, et les réservations seront ouvertes en ligne dès le lendemain matin.
La programmation pour les enfants ouvrira et clôturera le Festival, mais au final, une belle surprise attend tous les spectateurs : « Cendrillon » sera là le dimanche 11 octobre à 17h30 dans un spectacle joyeux, étonnant, de très grande qualité et magnifique par son inventivité. Enfants et adultes en seront réjouis comme lorsqu’ils l’ont été quand nous l’avons découvert à Avignon l’été dernier. Nous avons choisi de clore le Festival par une représentation qui rassemble les publics et les générations : le théâtre « dit pour enfants », lorsqu’il est de qualité et exigeant, est capable d’emporter aussi les adultes dans la magie d’une fiction.
Outre ce final, le programme de cette année sera très riche en surprises. J’en cite quelques-unes :
- « Marx et la poupée » où la langue des signes s’ajoute aux mots et à la musique,
- « Dans la peau de Cyrano » qui donne à voir, grâce au talent d’un comédien brillant, tout le monde de Cyrano de Bergerac,
- « Le Quatrième mur », d’après le roman de Sorj Chalandon qui a obtenu le Goncourt des lycéens, ou comment jouer Antigone à Beyrouth,
- « Aime comme Marquise », ou l’itinéraire de la Du Parc, dite Marquise, à travers le théâtre du XVIIe siècle.
J’ajouterai quelques mots sur un événement, la nouvelle création d’Eric Bouvron, « Lawrence ». Les fidèles du Festival se souviennent encore des Cavaliers, en 2015, qu’Eric Bouvron avait fait galoper dans les plaines d’Afghanistan. Je l’ai rencontré à Avignon alors qu’il était déjà absorbé par son nouveau projet sur Lawrence d’Arabie, et nous avons vite trouvé un accord pour le montrer à Coye-la-forêt avant de le présenter à Avignon. Nous avons donc suivi la genèse de sa création, et vu le résultat. C’est magnifique, magique. Avec comédiens et musiciens, c’est toute l’Arabie qui est là pour nous faire rêver autour d’un personnage énigmatique et fascinant.
Coye29 : Difficile aujourd’hui de ne pas penser que le Festival fêtera bientôt son 40e anniversaire… Quel parcours !
Nous y pensons évidemment et nous avons déjà retenu quelques spectacles pour mai 2021. Notre équipe de bénévoles, autour d’une vingtaine, s’est étoffée avec quelques jeunes. Si l’on veut une relève, c’est indispensable pour poursuivre cet élan du théâtre et le partager avec un maximum de spectateurs. En quarante ans le Festival a atteint une belle notoriété, il est reconnu dans notre région bien sûr, mais aussi en France. Il est partenaire du Off d’Avignon et il vient d’être invité aux Etats généraux du Festival off d’Avignon qui réunit des professionnels du théâtre de toute la France.
Coye29 : C’est une belle reconnaissance, un coup de chapeau en quelque sorte à cet itinéraire du théâtre à Coye-la-forêt. Nostalgie en regardant en arrière, vers la 1e affiche du festival, jaune, toute simplette, – il en reste bien peu d’exemplaires, et elle est devenue collector, comme on dit –, sa quarantaine de spectateurs maxi, sur des chaises, pas d’équipe technique, peu de projecteurs, pas de réservations… Mais un Centre culturel tout neuf et un enthousiasme si vif qu’il ne s’est jamais éteint, et qu’il traverse encore toute une équipe de bénévoles. Alors, chapeau pour tenir bon, pour résister aux tempêtes, pour innover, inventer et continuer à enflammer.
Propos recueillis par Marie Louise
Programme : https://www.festivaltheatraldecoye.com/
Sur la page d’accueil du site : trois vidéos sur le Festival réalisées par La Monade Sagace, http://www.lamonadesagace.fr/
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2 commentaires
Commentaire de: francoise Membre
Commentaire de: francoise Membre
Ainsi donc, le festival est finalement annulé !
Cette pause obligée nous permettra d’apprécier avec un plaisir accru son retour en 2021.
Bravo et merci à votre ténacité pour perpétuer ce festival auquel nous tenons tant et pour que le spectacle vivant ne perde pas l’espoir de vivre encore.