Un vent de liberté
Mai c’est Coye ce Festival ?
C'est sans doute le vent de ce printemps et le vert tendre des jeunes feuilles de la forêt qui ont inspiré à l'association du Festival théâtral de Coye-la-forêt le désir de bousculer la tradition. Pour en parler avec Sylvie Paligot-Grimal, directrice artistique du Festival, quoi de mieux que de franchir la porte de son jardin ? Les muscaris de l'allée n'attendent que cela.
Coye29 : Depuis 1982 le théâtre s'installe en mai à Coye-la-forêt. En 2020 pour la première fois il n'a pas été au rendez-vous, ni en mai, ni en septembre. Tous les théâtres en France sont fermés depuis plus d'un an. Que se passe-t-il pour que l'association du Festival ose une nouvelle édition en 2021, bravant toutes les incertitudes ?
Pourquoi pas nous offrir en ce mois de mai exceptionnel, une aventure un peu différente, une fête envers et contre tout ? Un festival alternatif sous le signe de la solidarité ?
Coye29 : Comment rendre un festival plus solidaire ? Le théâtre est parfois perçu comme réservé à une élite « qui sait ». Le public du Festival de Coye-la-forêt, on le voit bien, est composé en grande partie de personnes de condition aisée qui connaissent le théâtre et ont les moyens de s’offrir des places, plus coûteuses qu’au cinéma, ou de prendre des abonnements.
Nous avons depuis l’origine une politique tarifaire attractive, c’est dans nos statuts. Nous essayons de nous ouvrir sur l’extérieur en faisant fête chaque soir avec les associations, des débats, mais cela n’est pas suffisant.
Avec « Mai c’est Coye ce Festival » notre idée maîtresse est de toucher ceux qui ne viennent pas habituellement au théâtre pour de multiples raisons, et de mettre pour tous le théâtre dans toutes les rues du village. Le spectateur peut être acteur lui aussi, il n’a pas à rester un simple consommateur qui regarde, applaudit et s’en va. En mai, dans la rue, des animations l’entraîneront, le solliciteront pour que lui-même crée, improvise, chante, récite, joue d’un instrument...
Des comédiens de l’association AAFA — Actrices, Acteurs Français Associés —, motivés par notre élan, viendront envahir tous les lieux de Coye en même temps en proposant des saynètes le matin et feront de même aux Étangs l’après-midi. Il y aura une opérette qui se produira dans quatre lieux différents de Coye dans quatre épisodes différents, de la musique, de la danse, et nous nous appuierons sur les associations qui d’habitude sont présentes les soirs avant nos représentations théâtrales. Il y aura la fanfare et beaucoup d’autres associations aussi. Oubliés les obstacles, les timidités, les complexes, les peurs, il faut qu’il y ait de la fête ! « On ne va pas se laisser faire par ce virus !»
Ces spectacles hors les murs pour tous les Coyens auront lieu les samedi 22 et dimanche 23 mai, puis le samedi 29 mai. Pour déjà nous amuser, nous avons baptisé l’opération Lez’Arts dans la rue et nous allons voter parmi toutes nos propositions pour l’intitulé de ce festival !
Coye29 : Qu’est-ce qui est prévu au Centre culturel ? La solidarité également ?
Oui, la solidarité aussi envers les compagnies qui n’ont pas pu se produire. En permettant aux programmateurs en nombre réduit de voir trois spectacles par jour sur deux journées en intérieur, tout en respectant les conditions sanitaires. Cette opération est rendue possible en mutualisant les différents frais : régie déplacements....
Solidarité, c’est ce à quoi nous réfléchissons en travaillant au sein de EGOFF notamment avec Laurent Domingos de la compagnie Minuit 44 dont il est le co-directeur : que mettre en place pour que le festival off d’Avignon soit plus vertueux, quelles leçons en tirer pour nous ? Metteur en scène et comédien, Laurent est venu à Coye-la-forêt en 2019 pour présenter « Britannicus » (voir article sur le blog), il s’y est finalement installé et a rejoint notre association, où il est déjà très impliqué.
Coye29 : Et pour le public de Coye-la-forêt ?
Pour le public de Coye-la-forêt, nous avions prévu dans la salle Claude Domenech la représentation d’une pièce de Mohamed Kacimi, mise en scène par Marjorie Nakache. C’était la seule pièce que nous n’avions pu reporter en septembre : « Tous mes rêves partent de Gare d’Austerlitz ». Hélas, à cause des mesures sanitaires imposées depuis plus d’un an, la compagnie n’a pu répéter qu’une seule fois. Elle ne sera donc pas en mesure d’être au rendez-vous de ce mois de mai. Beaucoup de travail et de rêves partis en fumée...
Coye29 : Et qu’en sera-t-il des subventions ?
Les institutionnels ont toujours soutenu le Festival : la Commune, la Communauté de communes, le Département, la Région. Le mécénat privé aussi. Le Festival de Coye-la-forêt est reconnu, la confiance est là, notre équipe de bénévoles travaille de manière professionnelle.
Cependant, pour ce mois de mai, ce Festival inédit repose uniquement sur les bonnes volontés, à commencer par celles de notre association : l’hébergement des comédiens et comédiennes venus de Paris, les repas. Tout est ouvert, tout est gratuit, mais nous espérons que les spectateurs sauront témoigner eux aussi de leur solidarité avec le monde culturel en donnant leur petite contribution « au chapeau ». Les affiches seront faites par nos soins nous ferons aussi appel aux amis, aux enfants pour décorer leur ville et lui donner un air de fête.
Coye29 : Sylvie, tu es la directrice artistique du Festival depuis plusieurs années. C’est un rôle important.
Ce que j’aime, c’est pouvoir agir et avoir mon mot à dire au plan artistique. Une programmation, c’est difficile... Il faut parler argent, faire du relationnel avec les diffuseurs de spectacles. Tout est dans la négociation : je défends le Festival pour qu’on ait une belle programmation dans la limite de notre enveloppe budgétaire. Je défends aussi les compagnies. Il faut trouver un accord financier, un accord sur la date de représentation, et petit à petit arriver au contrat. C’est du sport jusqu’à la signature !
Coye29 : Merci Sylvie. Et vivement ces réjouissances de mai, annonciatrices du Festival théâtral de septembre pour fêter ses 40 ans.
Rendez-vous les 22, 23 et 29 mai dans les rues de Coye-la-forêt.
Rendez-vous du 24 septembre au 22 octobre au Centre culturel pour le 40e Festival théâtral.
Voir le programme complet sur le site :
https://www.festivaltheatraldecoye.com/index.php
Je sais aussi que Sylvie Paligot-Grimal aime écrire et a déjà publié. Elle vient de recevoir le prix « Coup de cœur » de la poésie dans le dernier concours d’écriture de la ville de Senlis. Il imposait deux contraintes : au moins trois mots sur les cinq proposés et surlignés en gras et de commencer et de finir le texte par « Pourquoi pas ».
Pour malmener sa modestie, le voici :
LA TÊTE EN BAS
Pourquoi pas la folle allure d’une écriture, son altitude ?
Pourquoi paratonnerre, parapluie, paradis, parachute ?
Pourquoi pas Vol de nuit, pourquoi pas Saint-Exupéry à la margelle de mon puits ?
Pourquoi lire, pourquoi pâlir, pourquoi nourrir les hirondelles ?
Pourquoi concours et pourquoi pas concourir ?
Pourquoi tout ça pêle-mêle ?
Pourquoi pas je, pourquoi pas jeu ?
Pourquoi parier, sur qui, sur quoi ?
Pourquoi pas croire et pourquoi pas sauter le pas ?
Pourquoi pas si, pourquoi pas ça et pourquoi ça dérape ?
Pourquoi passent les cigognes et pourquoi loin s’en faut ?
Pourquoi Saturne et ses anneaux, pourquoi des ronds dans l’eau ?
Et pourquoi pas le Pourquoi pas, ce fier trois mâts
Glissant silencieusement sur la Galerie des glaces ?
Et Pourquoi pas les trois Rois Mages traversant la Nonette à la nage ?
Pourquoi pas l’un, pourquoi pas l’autre, pourquoi limpide, pourquoi Lautréamont,
Pourquoi pas dissection rimant avec transformation,
Pourquoi table ou parapluie ? (mais ce mot là est déjà dit !)
Et pourquoi pas la tête en bas ?
De son trapèze, la femme-oiseau d’un seul regard te cloue d’amour,
Ton cœur est un croissant tout chaud, il exhale des mots sens-dessus-dessous,
C’est à toi qu’elle envoie sa ceinture dorée incrustée de baisers
Et tu crois la saisir,
Et pourquoi pas le bonheur à portée de ta main ?
Et pourquoi pas un mot de folle allure et d’altitude
Tombé en mille étoiles d’un ciel de chapiteau,
Un mot qui se balance et vient moquer le sort,
Un mot qui roule le tambour de la fête, un mot forain, un mot de foule et de délire ?
Et pourquoi pas ce mot, tu l’entends ? Sornitude !
Il s’invente à pas-de-géant, en latitude ou longitude à la recherche d’un lapin blanc,
Écoute ce mot-valise à emporter le vent !
Et pourquoi pas ce mot, admis au dictionnaire un jour de gui l’an neuf et cocottes en papier, de celles qui bâtiraient leurs nids dans des pages envolées, ce mot de folle allure et d’altitude, sans boussole, aussi vaste qu’un océan, ce mot-rêve qui contiendrait à lui tout seul un fol espoir et tous nos « Pourquoi pas ? »
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1 commentaire
Commentaire de: Titi la Gaufrette Visiteur
Bravo Sylvie, bravo à toute l’équipe du festival (Véronique, Pascale, Isabelle, Jean François, Jean Claude, Jacques, Laurent et les autres) qui se sont sentis concernés par cet élan de solidarité envers le monde de la culture et qui plus encore ont témoigné de leur passion sans faille pour le spectacle vivant.
A Coye la Forêt nous avons la chance inouïe d’avoir sur le même territoire des institutions, des associations et des personnes qui se dépensent sans compter et sans rechigner pour que le spectacle donne de jolies couleurs à nos vies, nos âmes et nos esprits qui en ont bien besoin depuis trop longtemps déjà. .