Il est parti...
Il aimait la vie. Il regardait la mort en face. Il ne sera pas allé jusqu'à cent ans, mais il s'en est rapproché en gardant jusqu'au bout sa lucidité, sa curiosité intellectuelle, son amour de la nature et son plaisir à être en compagnie, particulièrement en compagnie féminine.
Les premières fois que j'ai rencontré Maurice, c'était dans le cadre des randonnées du lundi qu'il avait organisé depuis une dizaine d'années au sein de La Sylve avec son ami Pierre Bardeau. J'ai apprécié la façon qu'il avait de vouloir transmettre son savoir, s'arrêtant pour nous montrer une particularité botanique, ou faisant un détour pour nous révéler les bornes de pierre qui délimitaient autrefois les territoires de chasse. Il aimait partager. Il n'avait pas pu être instituteur comme il l'envisageait à l'adolescence, mais il est certain qu'il avait la fibre pédagogique. Un jour je l'ai vu essayer de discuter avec des jeunes qui faisaient de la moto dans la forêt. Il leur expliquait que cela abîmait la nature et dérangeait les animaux. Je ne suis pas sûre que sa leçon ait été entendue, mais j'étais impressionnée par son calme et son courage. Il parlait sans animosité, avec la conviction que rien n'est jamais perdu, qu'il ne faut pas laisser passer, pas baisser les bras. Il avait conclu par : « Je vous le dis, c'est pour vous, car vous êtes jeunes. Pour moi...» Il allait gaillardement vers ses quatre-vingts ans.
Il aimait la vie. Malgré les deuils et malgré la solitude, il a décidé de continuer à savourer le bonheur d'être là, dans ce qu'il appelait une « nostalgie heureuse », sans oublier le passé, sans renoncer au présent et sans craindre l'avenir. Il était en juin dernier au pique-nique organisé par La Sylve dans la clairière de Champoleux, au bout du sentier botanique dont il avait été l'initiateur avec son épouse, Janine. Jusqu'à cet été, accompagné par les unes ou les autres, il a continué à aller au restaurant, au concert ,au théâtre et à se promener tranquillement tous les jours autour de sa maison pour admirer les fleurs qu'il connaissait par leur nom et parler aux grands arbres. Il aurait voulu retourner voir la mer une dernière fois mais les caprices de la météo ne le lui ont pas permis.
Sa dernière aventure fut l'écriture de son livre "La Norine", principalement rédigé pendant le confinement du printemps 2020. Maurice ne pouvait plus lire mais il pouvait encore écrire , rappelant ses souvenirs d'enfance et de jeunesse pour en faire des histoires à nous transmettre. Tandis qu'il faisait vivre ses personnages, ses personnages le faisaient vivre. Heureusement il a pu voir son livre édité (c'était son angoisse : « J'aimerais quand même bien le voir avant de mourir », disait-il). Il n'aura pas eu la chance de le distribuer lui-même et c'est un grand regret.
Maurice est parti rejoindre Riri le petit berger, Jean le Résistant, Julien l'amoureux. Il est certain que la lecture de "La Norine" maintiendra vivant en nous le souvenir de son auteur.
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