Les trois petites guenons !
Vous, handicapées et en situation de femme, vous êtes nos seules expertes ! Vous avez appris à vos dépens que votre situation était la plus déclassée, la plus ignorée, la plus profondément enfoncée dans la petite boue du fond du réservoir de la condition humaine. Dans la société, une femme est moins qu’un homme, une pauvre est moins qu’une riche, une chômeuse moins qu’une professionnelle et une noire moins qu’une blanche. Même dans le solfège, une croche est une chose bizarre qui vaut moins qu’une noire. On ne vous voit pas, on ne vous entend pas, on ne vous parle pas. Dès l’enfance vous savez que, si elle date de Confucius, l’histoire des trois petits singes n’est pas de la rigolade. « Il ne faut pas faire attention à ce qui va mal ». Les grands savants et les grands puissants de ce monde ont fait de cet adage la sagesse des nations. Au fond de votre abime de mépris, ce gouffre d’indifférence, vous, femmes non-valides, femmes croches, vous avez survécu. De cette force, de cette puissance, vous êtes les expertes. Qui mieux que vous saura comment vaincre les souffrances, les abandons, les harcèlements de l’égoïsme triomphant ? Qui mieux que vous saura trouver la force de ravauder les cœurs, de laver les corps englués de sexualité baveuse prédatrice et de soigner les âmes grises du désespoir des jours sans vie ? Vous vous croyez ignorantes et faibles. Vous pensez que toutes les personnes qui vous entourent sont plus fortes, plus belles et plus intelligentes ? Mais dans votre situation, auraient-elles su comme vous se battre et survivre ? Elles sont riches de tous les dons de la nature, de tous les cadeaux des bonnes fées autour de leur berceau. Mais regardez-les, écoutez-les, parlez leur : elles sont malheureuses. Elles sont figées de peur de perdre ces dons du ciel, de tomber malade, ou enceinte, ou amoureuse, ou dans un piège tellement secret qu’il précipiterait leur chute dans la même petite boue du fond du monde dans laquelle vous vivez. Vous seules avez le mérite, la science, l’expérience d’en sortir, de voir la nature si belle, d’entendre les musiques du monde, de parler aux gens, aux poissons et aux oiseaux. Il y a même des arbres qui vous répondent. Ce sont vos vulnérabilités qui seules peuvent résoudre l’énigme qui permettra de sauver le monde. Ils voient l’univers se détruire, ils entendent la planète hurler, ils n’ont rien à faire que la guerre. Vous, vous savez voir, vous savez écouter, vous savez dire les mots qu’il faut. Le symbole de votre sagesse sont trois petites guenons, une qui regarde, une qui écoute et une qui parle.
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