Servantes reines de la nuit
Samedi soir, sur les planches, le ton était décidément libertin. Le fil conducteur entre « La servante maîtresse » et « Voyage autour de ma marmite », c'était peut-être l'éternelle poursuite de l'autre sexe.
Dans la comédie de Pergolèse, le décor campe ouvertement le propos : une corde à linge sur laquelle glissent soutiens-gorge affriolants, combinaisons rouges, bleues, noires et bas de soie. Sur cette corde, sèchent aussi des draps de lit blancs tendus en toile de fond qui symbolisent les murs d'une maison sur lesquels ressortiront en ombres chinoises des scènes provenant de l'intérieur.
La pièce de Labiche se déroule dans la riche cuisine d'un dentiste du Loiret. Fourneaux, casseroles et marmites en cuivre plantent le décor. Du théâtre intimiste, donc, où hommes et femmes vont se donner la réplique et nous faire rire.
«Voici trois heures que je suis là,/ je crie je pleure, elle ne vient pas »
Il appelle ainsi en vain sa jeune soubrette, Yasmine, qui a décidé de lui tenir tête et d'épouser sa fortune. Julie Fioretti interprète avec sensualité cette jeunesse vénale. La “petite Lolita” à la voix de soprane et au corps de déesse - “j'ai des attraits bien faits” - aura vite (trop vite, au goût du spectateur) raison des hésitations du vieil homme, hypnotisé par le soutien-gorge qui danse sur la corde à linge:
“J'ai tantôt chaud, j’ai tantôt froid,/ La biche aux abois fuit dans les bois.” Notre Jacques Bona se transforme alors en “vieux fou pathétique”, et joue à merveille le pantin “embrouillé, désarticulé, déséquilibré, désarçonné, démantibulé”. Mahmoud, le serviteur muet, interprété avec humour par Frédéric Kontogom, prête main forte à tous les plans de Yasmine, endosse tous les costumes pour ses métamorphoses, tantôt Tarzan, tantôt drag-queen.
Le public salue avec enthousiasme la diction impeccable d'un livret remis au goût du jour, sans aucune fausse note ni vulgarité, par Jacques Bona, aidé de la jeune et talentueuse metteur en scène, Stéphanie Félix.
Dans ce pur vaudeville d’Eugène Labiche, sur le même thème des amours ancillaires, c'est le dentiste Alzéador, joué par Nicolas Dubois, qui cherche à obtenir les faveurs de sa cuisinière Prudence, interprétée par Lucy Samsoën. Le maître, délaissé par sa femme « belle, jeune mais absente », rôde dans la cuisine et convoite son employée. Afin de ne pas céder à la tentation et de « mettre les Alpes » entre elle et lui, Alzéador décide alors de la marier avec Jésabel, son domestique. Mais difficile de résister aux charmes de Lucy!
Un « Rubens » en effet cette Lucy. La taille bien prise dans sa robe blanche de soubrette, elle éblouit maître et valets, elle virevolte, lance des œillades, fronce les sourcils, rit aux éclats. C’est un tourbillon. Ses partenaires sont subjugués. Avec bonheur Quentin Fondu, Jean Truchaud et Nicolas Dubois assument leur rôle de mâles hypnotisés ! Quant à Pierre Debert, il est la mécanique parfaite qui déclenche le rire dès qu’apparaît sa silhouette cassée de vieillard chargé de rappeler au dentiste que, même dans une cuisine, il a des dents à arracher.
Plus que les histoires de fesses qui ont toujours fait courir le monde, le lien entre les deux spectacles de samedi soir fut sûrement l'amitié. L'amitié qui fait revenir Jacques Bona sur scène afin de s'excuser auprès de Claude Domenech et de son équipe pour avoir monopolisé le plateau durant leurs multiples répétitions. Amitié encore qui a amené ce même Claude à remercier Jacques pour l'aide qu’il a apportée dans les passages chantés du Labiche, ainsi que Lucy pour sa collaboration à la mise en scène. Bref, hier soir, amateurs et professionnels se sont mêlés pour nous faire rire et ont donné la preuve que la marmite des Coyens n'avait pas fini de bouillir.
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1 commentaire
Commentaire de: Antoine Lo Negro Visiteur
Ces 5 étoiles sont pour Julie Fioretti; Tout ce qu’elle fait et comment elle le fait, c’est toujours merveilleux.
Félicitations la puce j’en ai les larmes aux yeux.
Bisous