Oncle Vania, l'existence dans "une bulle de savon"
ONCLE VANIA, d'Anton Tchekhov
par le Théâtre de la Lucarne
La fête du théâtre commence.
Une voix qui chante, profonde et émouvante, nous conduit vers la Russie. Le décor évoque la paix d’une maison de campagne, l’été. Harmonies de blanc : les voiles légers en fond de scène, les sièges en fer forgé aux courbes délicates pourraient évoquer un jardin. Mais le buffet de bois, la table, la chaise à bascule où un châle est jeté situent l’action dans le salon où tous les personnages se rencontreront … pour dire leur ennui, leur amour, leur amertume.
Costumes blancs ponctués de beige, de crème, de rouille. Le bonheur pourrait être là.
C’est l’été dans une grande propriété terrienne de 26 pièces, nous dit-on. Y vivent habituellement l’Oncle Vania et sa nièce Sonia, gérant les terres avec difficulté, la nourrice affectueuse qui console, une veuve lisant et silencieuse. Vient parfois une sorte de pique-assiette, ancien propriétaire terrien, aux remarques ineptes. La vie monotone des personnages est perturbée pendant quelques semaines par l’arrivée du frère de Vania, un vieux professeur, geignant jour et nuit, accompagné de sa seconde femme Elena, belle, jeune et oisive. Les visites du médecin de famille, attiré par Elena, animent les conversations ennuyeuses et troublent les jeunes femmes.
On vit ainsi dans un monde où le travail ne se fait plus, où l’on passe le temps à se plaindre, à regretter, à rêver parfois, à séduire. Un monde en décomposition représenté par un vieil homme pitoyable qui pleurniche, où le médecin se lamente de voir les forêts dévastées, où la jeune fille sans grâce ne peut se faire aimer. « Nous devons vivre une longue suite de jours interminables.»
Les acteurs font sentir avec justesse cet ennui, ces silences, la mort redoutée. La lassitude de Vania condamné à cette vie qu’il n’aime pas, dont il dit qu’elle fut « une bulle de savon », la douleur de Sonia qui ne peut être aimée et qui nous émeut : « Qu’il est affreux d’être laide ». Mais on se moque aussi de « ces êtres grisâtres » qui se sentent là comme dans « un caveau ». Le jeu des comédiens sait susciter les rires du public qui apprécie l’ironie des répliques : « Il y a vingt-cinq ans qu’il oscille entre le vide et le néant », et qui est sensible au burlesque d’une déclaration d’amour faite sous la forme d’un bulletin météorologique.
L’accueil chaleureux réservé à la troupe s’est manifesté par de nombreux rappels à la fin de la pièce. Les spectateurs ont salué la performance des acteurs autant que la mise en scène qui a donné vie à cette époque disparue et à la grande pièce de Tchekhov.
PARTAGER |
Laisser un commentaire