Desperado, de Ton Kas et Willem de Wolf
Adaptation et mise en scène de Tristero et Énervé
Avec Youri Dirkx, Eno Krojanker, Hervé Piron, Peter Vanderbempt
Plantés sur le plateau, à bonne distance les uns des autres. Rien dans les mains, rien dans les bras, rien sur le dos, mais un Stetson sur la tête. Pied ferme, le regard au loin, la pose étudiée, un déhanché suggestif ou l'option verticalité. Immobilité. Tout est dans la posture, et dans le costume. On se la joue Ok Corral — sans Burt Lancaster. Ou Le bon la brute et le truand, mais là ils étaient trois, ici ils sont quatre. Et on attend... On attend qu'ils parlent ou qu'ils dégainent... pas pressés quand même. Alors on retient son haleine : qui tirera le premier ? On a du temps pour lorgner les costumes et se repasser en visio interne tous les westerns de notre jeunesse, Rio bravo, La poursuite infernale etc. On attendrait presque que John Wayne ou Gary Cooper poussent les portes du saloon. Bon, y a pas de saloon... Mais on dirait que.
Bien sûr devant nos yeux on n’a qu’un banal plateau de théâtre, noir et tout nu. Il y a juste dessus une espèce de panneau à l'envers et qui attend de servir à quelque chose. Ça ne fait rien. Nous, on voit à perte de vue les grands espaces du Colorado, la poussière des chemins caillouteux qui fument après le passage de Clint Eastwood.
Vous ne saviez pas en arrivant ce soir au Centre culturel que vous verriez tout ça. Eh bien si! Et pour montrer Dodge City les metteurs en scène n’ont pas eu besoin de vidéo. Il leur a suffi d’être aussi des comédiens performants, qui viennent de Belgique habillés en cow-boys.
Mais attention ! Pas habillés n'importe comment avec un chapeau mou et des bottes en plastic. Non. La classe! Le manteau long de cuir marron, qui flotte derrière le dos, le jean d'origine, le Stetson authentique, les santiags qui galbent le mollet, la chemise à carreaux, le col de chemise resserré par la chaîne en or, le costume moulant d'un turquoise qui claque, le pantalon du gardien de troupeau, en daim, avec cuissardes qui montent jusqu'à la ceinture, le gilet peau de mouton, les bouclettes dans le cou... Bref, tout pour faire des cow-boys parfaits et rutilants. Bien repassés.
Ils se retrouvent souvent, les quatre copains, le week-end ... On ne va pas vous dire ce qu'ils font, car pour l'instant ils ne font rien, ils sont en attente. Au comptoir d’un bar peut-être, ou sur la place de la mairie...
La conversation est lente à démarrer... « Il m'a dit un truc... Alors je lui ai dit... Je vais pas le répéter... Je vous l'ai déjà raconté... Vous le savez déjà... Ça je l'ai déjà dit... Je voulais vous parler d’un truc… » La banalité des mots du quotidien, creux, qui se répètent, qui tournent à vide. Et pourtant on rit de la caricature, des mimiques, des regards, de toutes les phrases qu’ils ne disent pas et que l’on imagine.
Quand ils abordent la question des femmes, ou quand ils parlent boulot, les dialogues épaississent, la tension monte, ils se déchaînent. Car ils en ont marre, ces quatre- là, ils sont en colère, ça suffit les mensonges, les petits salaires, la vie étriquée, étouffante, les humiliations, la routine, ils voudraient une autre vie. Ils vont se révolter contre le chef, et foncer ailleurs dans leurs costumes de héros du Far West.
On n’a peut-être pas d’aussi beaux costumes qu’eux mais il y a des ressemblances… quand on se retrouve entre copains, au Régent, chez P'tit Louis, ou au City park, dans les vestiaires du foot ou de la gym, au marché... au p’tit pont… dans le train du soir… quand on se retrouve dans la salle Claude Domenech du Centre culturel, à Coye-la-forêt, un jeudi soir… pour rêver d’une autre vie.
Quelle bonne soirée nous avons passée ! Merci Marc, Eddy, Michel et Bruno. Merci pour nos rires, pour votre bel accent, merci pour vos rêves et pour vos si beaux costumes (et dites merci à Marie Szernovicz qui les a choisis pour vous).
Prêtez-les nous de temps en temps.
Calamity Jane
LIEN VERS LA GALERIE PHOTO : Desperado, de Ton Kas et Willem de Wolf
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Ah ! les beaux cow-boys fringants qui prennent possession de l’espace ! Ouah ! Mais nous sommes prévenus : du grand panneau tel que ceux que l’on voit plantés dans le désert américain, de ce grand panneau, sans doute peint de l’autre côté, nous ne voyons que l’arrière, la structure de bois qui le fait tenir : effectivement on va nous présenter l’envers du décors.
Et là, adieu les belles postures et les images d’Épinal : A-t-on jamais entendu un cow-boy qui parle avec l’accent belge ? A-t-on jamais rencontré un cow-boy qui porte des lunettes ? A-t-on jamais osé imaginer un cow-boy sensible qui pleure comme un veau ? A-t-on jamais vu un cow-boy accepter de se faire humilier sans réagir ? Ils sont tous misérables. Et si c’était le mythe de la virilité conquérante qui était ici mise à mal. C’est drôle et cruel. Pauvres cow-boys ! Vous faites peine à voir. Vous avez gagné en humanité. Maintenant, arrêtez de penser que pour s’affirmer il faut écraser l’autre, quittez vos postures, renoncez à votre image virile, arrêtez de vous bercer d’illusion, et prenez votre vie en main !