La fragilité des choses
Texte et mise en scène d’Antoine Lemaire
Avec Maxime Guyon et Paola-Lili-Ribero
C’est noir. Pas d’échappatoire, l’enfermement.
L’enfermement dans une chambre, dans la misère, dans les comportements stéréotypés du masculin et du féminin. Le masculin : je domine, je manipule et je tente de jouir. Le féminin : j’ai appris à subir, donc j’endosse mon rôle et je subis, même si je tente le refus.
Deux personnages dans une chambre. Lui, c’est sa chambre mais il devait aller à une fête avec sa copine. Elle l’a jeté, alors il est revenu chez lui, avec sans doute l’envie de voir quelle était cette fille (de s’en servir ?) qu’un copain lui avait demandé d’héberger pour une nuit, en dépannage.
Elle est à Paris pour passer le concours d’entrée à la Fémis, une école de cinéma. Christophe, son frère, lui avait dit qu’un copain lui prêterait sa chambre pour la nuit. Le lendemain elle se présenterait au concours.
C’est donc une rencontre de hasard entre deux êtres cabossés par la vie, dont l’auteur imagine l’évolution et les étapes.
Lui, il sait déjà qu’il tentera de la séduire (euphémisme) bien qu’en aparté il dise le contraire. Désabusé, aigri, rempli de colère, une voix lente qui méprise les autres et lui-même.
Elle est encore naïve et joyeuse, compatissante, elle écoute ses malheurs, prête à le consoler. Et elle le consolera — la manipulation réussit — sans l’avoir désiré, sans oser refuser ce qu’il demande. C’est son rôle de consoler, elle a si bien appris à consoler sa mère…
Elle a tenté une sortie et l’on avait envie de crier : Va-t’en, cours, sors de là ! Non, pas de sortie, pas d’espoir.

Maxime Guyon est convaincant dans son personnage de fatigué de la vie, qui se meut avec lenteur dans un pantalon trop long et trop large, le dos voûté, la voix traînante. Paola-Lili Ribero rafraîchit, vivifie dans sa petite robe rose à deux sous. Elle est capable de résister parfois, de s’indigner, donc on se dit qu’elle aura la ressource de s’opposer ou de fuir, de casser le mur. On veut y croire.
La mise en scène d’Antoine Lemaire tire parti de cet enfermement : pas de place dans la chambre, on s’y contourne, on va du lit de camp au fauteuil en évitant de se toucher. Au fond, une table de maquillage qui intrigue, avec un miroir entouré de spots, une perruque rouge. On se demande qui peut bien se maquiller dans cette chambre… La progression dramatique de la pièce et son intensité viendront de là. Images poignantes d’une capitulation et d’un désespoir infini.
Évidemment on ne quitte pas le théâtre en chantant.
Maxime Guyon est déjà venu à Coye la forêt en 2018 pour la pièce de Duncan McMillan, « Séisme ».
Voir article dans coye29 : http://coye29.com/blogs/blog2.php/2018/05/18/seisme
LIEN VERS LA GALERIE PHOTO : La fragilité des choses d’Antoine Lemaire
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