La Poésie de l'échec
de Marjolaine Minot et Günther Baldauf
L’histoire est assez banale : une mère, maintenant veuve, cache à ses enfants l’infidélité de leur père et l’existence d’une demi-sœur ; une fille, qui était très aimée de son père, mendie désespérément l’attention de sa mère et trouve une consolation factice auprès d’un homme très amoureux d’elle ; un fils n’arrive pas à se libérer de l’emprise destructrice de son père qui lui exprimait en permanence son mépris.Toute cette famille subit la loi du Droit sauf la fille qui louvoie et sa grand-mère qui l’approuve.
L’anniversaire de la mère sera l’occasion pour chacun d’exprimer tous les non-dits et de retrouver sa vérité profonde.
Ce qui donne une dimension exceptionnelle à ce spectacle c’est sa mise en scène tirée au cordeau.
Aucun temps mort, les changements d’éclairage et les bruitages mettent en évidence les passage du fantasme au mensonge, du passé à un présent cruellement décevant. Une paupière baissée souligne une gêne inavouable. Quand la lumière s’éteint un court instant ou quand le divan sert de paravent, les acteurs changent de personnalité pour nous surprendre à chaque fois. Quand les émotions sont refoulées, ce sont les corps qui les expriment avec énergie.
Tout se termine en un tourbillon effréné qui envoie valdinguer le Droit.
Maintenant, la mère peut souffler les bougies. Ce n’est plus un anniversaire, c’est une renaissance.

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2 commentaires
Commentaire de: Marie-Louise Visiteur
Je n’ai pas vu le spectacle, alors j’applaudis pour cet article qui en donne un aperçu très vivant.
J’aime bien ces mises en scène "tirées au cordeau."
Commentaire de: Jacqueline Chevallier Visiteur
Quelle santé chez les comédiens pour jouer les membres malades d’une famille qui ne va pas bien !
Derrière chacun des personnages plane le fantôme du père, décédé récemment. Oedipe, surmoi, secret de famille, retour du refoulé. Les concepts de la psychanalyse sont sommairement convoqués. Le récit est fluide, bien construit, mais ce n’est pas le plus intéressant.
Ce qui est vraiment épatant, c’est la façon dont les concepts prennent corps – littéralement. Les mots qui pourraient servir à dire ce que ressentent les personnages – la frustration, la honte, l’embarras, la stupéfaction, la jubilation – se traduisent dans les corps qui se raidissent ou se liquéfient, s’écroulent, se débattent, tourbillonnent, tombent à la renverse, puis se relèvent, s’effondrent à nouveau. Il y a les apparences – on se tient immobile et droit – et puis la vérité des sentiments et là, ça s’agite ! D’une extrême précision, les bruitages qui accompagnent les gestes sont à la fois expressifs et drôles.
On sort de la salle vraiment réjouis, parce que l’histoire se finit bien – on arrête de se mentir, à soi-même et aux autres, et chacun enfin trouve sa voie – mais surtout parce que les acteurs de cette comédie, tout à la fois danseurs, chanteurs, musiciens, clowns et acrobates, se sont donnés à fond pour nous offrir un spectacle complet, très original, coloré, dynamique et joyeux.