L’Affaire Dussaert
de Jacques Mougenot
Mise en scène de Jacques Mougenot
La pièce de ce soir aura au moins eu le mérite de susciter le débat !
Bien sûr que c'est facile, limite démagogique, de faire rire à propos des dérives et des délires de l'art contemporain. Bien sûr que c'est flatter le Béotien moyen qui n'y connaît pas grand-chose et n'y comprend à peu près rien, et qui se trouve ainsi conforté dans son ignorance… alors que l'art est toujours une chose sérieuse, un engagement vital, une recherche qui doit interroger le monde, bousculer nos habitudes et remettre en cause nos façons de voir.
Bien sûr ! Mais une comédie est une comédie. Jacques Mougenot est à la fois l'auteur et l'acteur de "L'affaire Dussaert". En tant que comédien, il est excellent dans le rôle du conférencier, plus vrai que nature. Son texte, par ailleurs, est plaisant, plein de jeux de mots, de drôleries, de surprises, et le récit est habilement conduit jusqu'à la pirouette finale. Alors pourquoi bouder son plaisir ?
Car il est vrai également qu'il y a autour de l'art contemporain d'une part des discours creux bouffis de suffisance, d'autre part et surtout des trafics et des spéculations qu'il faut dénoncer : l'humour a toujours été un excellent moyen de pointer le scandale et de dégonfler la prétention.
Ce n'est pas tant l'art lui-même qui est en cause et encore moins les artistes. Ce sont les critiques souvent et les historiens qui contribuent au ridicule et entretiennent l'incompréhension, en ne faisant pas suffisamment la distinction entre une œuvre d'art et un geste artistique : on ne va pas, bien sûr, s'extasier devant un porte-bouteilles mais s'interroger sur l'acte contestataire qui consiste à présenter le porte-bouteille comme étant une œuvre d'art. À fortiori devant un urinoir, par dérision baptisé "fontaine". Les sérieux et les doctes, qui présentent la chose au premier degré et sans regard critique, sont effectivement ridicules et le bon peuple a raison de rire.
Par ailleurs, les arts plastiques, en raison du marché qui s'organise autour, prêtent tout particulièrement aux excès, voire au délire, car c'est un domaine où il s'agit de "posséder" l'œuvre. On peut, bien entendu, détenir un manuscrit, une partition originale, mais on ne possède pas l'œuvre elle-même, le poème, la symphonie. Pour les arts plastiques, la jouissance suprême est dans l'appropriation, laquelle passe par le compte en banque. C'est le "marché" qui rend ce domaine particulièrement perméable à la spéculation financière, laquelle prend souvent des proportions délirantes qu'on ne peut que dénoncer… à moins qu'on choisisse d'en rire.
On sait aussi que le ministère de la Culture – tous ceux qui y sont passés le disent – mériterait souvent de s'appeler le ministère du Copinage.
Enfin, ce ne sont pas les auteurs de canular qui sont à blâmer, mais ceux qui par snobisme, par prétention, par ignorance ou par naïveté, s'y laissent prendre.
Les mystificateurs sont souvent des charlatans (on se souvient de cet imposteur qui en 1909, se faisant passer pour un haut fonctionnaire, imagina de vendre la tour Eiffel à des grandes entreprises de récupération de ferraille). Il est des faussaires célèbres qui ont défrayé la chronique (au lendemain de la guerre, la publication d'un poème inédit de Rimbaud avait sérieusement perturbé le petit monde littéraire et éditorial parisien).
Les farceurs, eux, sont souvent drôles et parfois la supercherie est simplement humoristique : c'est le cas de l'affaire Dussaert imaginée par Jacques Mougenot.
"Après tout", pourquoi pas ?
Alors rions !
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