La pyramide du silence
Depuis toujours, les êtres humains ont pris un malin plaisir à couvrir la planète de pyramides. La gloire de leurs princes leur sert de prétexte pour ériger ces énormes édifices, tendus vers les nuages, aux angles tracés par les trouées de lumières célestes des jours d’orage. Elles sont autant de défis aux secrets des dieux. N’ont-elles pas chacune leurs précieux mystères, leurs énigmes gardées jalousement dans le silence des pierres ? Elles portent sur leurs flancs et sous le poids écrasant de leurs bases, le souvenir de leurs millions de victimes. Le vent, la pluie, y ont lavé le sang. La tour de Babel a enterré l’humanité sous l’incommunicabilité des langues humaines. Mais la pire des pyramides, la plus épouvantable, c’est la pyramide du silence.
Elle habite le monde. En haut, brille l’or, plaqué sur l’argent de la parole. Puis suivent, étage par étage, les silences consensuels d’après les hymnes émouvants et les très officielles minutes de silence. En-dessous, les silences littéraires s’émaillent de points-virgules et de points de suspension, et ceux du solfège, de demi-silence en demi-soupir. Ensuite se rangent les silences paisibles de détente, de connivence et de complicité. Mais rapidement, le silence s’épaissit. La pyramide se pèse sur les consciences. Le silence est complice. Il se cache sous le vacarme des propagandes, des claquements de langue de bois, des brillantes désinformations et des digressions hypocrites des auto-censeurs. On s’enfonce. De la bonne conscience réservée, on glisse au mutisme des coupables criminels. L’égoïsme des foules veules assourdit les cris des victimes pour se griser d’oubli. Alors on nie ! On dénie ! On ferme les yeux sur la misère. On ne voit plus les derniers remous que laissent les zodiacs du désespoir à la surface de l’eau bleue des vacances. Mais là encore, le silence, c’est se taire. En-dessous, tout en dessous, ce qui fait le socle de l’immense édifice, c’est le marais profond des sans voix, des sans visage et des sans langue. Là, le silence n’existe plus parce que la parole n’a jamais existé. Là, vivent les victimes de l’inceste, du viol, des crimes et des tortures. Là survivent les sans pied et les sans main, ceux qui font si peur qu’il a fallu les tuer vivants par la violence sexuelle. Leurs bouches sont murées. Alors écoutez la France, Monsieur le Président ! Vous n’entendez rien, n’est-ce pas ? Vous pouvez faire de belles économies budgétaires sur le dos du silence des soumis ! N’ont-ils pas depuis toujours l’habitude de « faire avec peu » ?
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Que penser de l’écrasant silence après « Le mot du Maire » paru dans « La Lettre de Coye-la-Forêt » de juillet-août ?
Comment ne pas réagir à ces propos insidieusement racistes et xénophobes, déversés mine de rien, au sujet de la reconversion possible du domaine des Trois Châteaux en centre d’accueil pour des migrants demandeurs d’asile ?