Maurice Delaigue : En cascade
Il ne finit pas de nous étonner, Maurice Delaigue ! Trois ans après avoir publié un ouvrage sur les charmes du village et de la forêt qui l’entoure, « Coye… de fil en aiguille* », son désir d’écrire ne s’est pas émoussé. Ce samedi 23 juin, il réunit au Centre culturel ses amis et connaissances pour leur présenter une nouvelle œuvre : « En cascade ».
La salle 3 est bien remplie et, avant que l’écrivain ne parle — pendant qu’il dédicace le livre aux côtés de son fils François —, ses amis échangent joyeusement, contents de se retrouver grâce à lui en ce bel après-midi de juin. Les lieux sont agrémentés par une exposition des tableaux de Kim dont les oiseaux, tendres, rassemblés sur la branche, illustrent aussi le livre présenté. Avec eux le lecteur goûtera au plaisir d’une pause ou d’une évasion.
La passion pour la langue
L’homme aime les mots et la langue. On le sait puisqu’il écrit. Il aime aussi parler, et l’on envie son expression simple, naturelle, toujours soignée et d’une grande fluidité. On sent que Maurice prend plaisir à dire des histoires...
L’écriture est entrée dans sa vie à l’école, au cœur du Dauphiné. Il possède encore, dit-il, la trace de ses premiers écrits dans ses cahiers d’écolier de 1938. Monté à Paris, il opta naturellement pour le journalisme et entra comme stagiaire dans un journal parisien, « Ce soir », dirigé par Louis Aragon*. Mais, avoue-t-il avec humour, « le journal a capoté », concurrencé par « France-Soir ». C’est à Air France que Maurice exerça ensuite ses talents, au service de la rédaction du journal d'entreprise — manuels de formation, bulletins mensuels à destination du personnel navigant etc.
A la retraite, il s’essaya à la peinture et à la musique, mais il décida finalement de consacrer son temps à la recherche historique, notamment sur le Sud de l’Oise qu’il adopta quand il vint s’installer à Coye et pour lequel il nourrit une vraie passion. Tout le monde connaît ici ses livres sur l’histoire de Coye depuis le XIXe siècle, qui peuvent être consultés à la bibliothèque.
Une pluie de notes, une pluie de mots
« Je suis un drogué de l’écriture, se plait-il à dire. C’est à Dresde où j’étais en vacances avec mes enfants que j’ai choisi de donner mon temps à l’écriture. La ville a été détruite en 1945 par les bombardements anglais et américains, mais elle a été reconstruite presque à l’identique. J’assistais un jour à un concert dans l’église — Dresdner Frauenkirche —, reconstruite également, lorsqu’il m’a semblé que l’orgue, situé très en hauteur, laissait pleuvoir des notes, que celles-ci retombaient sur moi comme une pluie. C’est là que j’ai décidé de donner à ma vie cette direction, j’écrirais. Et depuis, je vis des moments heureux et sereins, je suis dans ma maison et dans cette pièce que j’aime au premier étage, par la fenêtre, je vois les arbres et j’écris…
Écrire… pour qui, pour quoi ?
« Pour quelles raisons écrit-on ? demande Maurice. Par plaisir, bien sûr, suggère-t-il, ou pour savoir ce que l’on est capable de réaliser, pour être publié, par orgueil peut-être, parce qu’on a besoin de laisser des traces ?
— Tu écris aussi pour témoigner d’un passé, suggère Jacqueline qui a été la première lectrice de l’auteur puisqu’elle eut la satisfaction de mettre le manuscrit de Maurice à l’épreuve du traitement de texte.
— Sans doute, et pour montrer qu’un vieil homme comme moi a encore beaucoup de raisons de vivre et d’être heureux dans notre société.
Ce livre sera sans doute le dernier que je publierai. J’écrirai maintenant pour moi. »
Un recueil de nouvelles
Pour cette dernière œuvre, Maurice imagine quatre nouvelles, des histoires d’amour ou plutôt des portraits de femmes, chacune ancrée dans une époque et une région : l’adolescence dans la campagne du Dauphiné, l’engagement du jeune résistant dans le Languedoc, l’après-guerre enthousiaste à Paris avec le parti communiste, et la mélancolie de la vieillesse dans l’Oise, auprès de sa duègne, comme il l’appelle avec humour et affection. Quatre beaux portraits de femmes, parce qu’aucune ne ressemble aux autres, que leur fort caractère fait d’elles de vrais personnages attachants.
La toile de fond historique comme le parcours géographique du personnage principal — tantôt Louis, tantôt Maurice, ou Pierre ou Monsieur Jean — contribuent largement à l’intérêt des récits. L’auteur aime les paysages et emmène son lecteur dans le monde rural d’une époque disparue, sur les grands boulevards parisiens quand l’heure est à la fête, au bord de l’étang de Thau, ou dans l’Oise à la Toussaint quand les feuilles mortes collent aux semelles… L’auteur nous emmène en voyage. Et on aime cela.
Les plaisirs de la vie
Maurice a soin de ses hôtes et veille à leur offrir le meilleur. Il prolonge la rencontre par d’autres agréments, celui d’un buffet raffiné préparé par Corinne Richardin, et celui de la musique de jazz interprétée en live par trois jeunes musiciens du conservatoire : à la contrebasse Nicolas Jacobée, à la batterie David Paycha, et Clément à la guitare. Une occasion de varier les plaisirs et de goûter en musique des saveurs piquantes. La sangria parfumée invite à prolonger cet instant chaleureux et rare auprès d’un homme qui a traversé le siècle et qui transmet.
« C’est ma fête, dit-il pour conclure, une fois par an j’ai l’habitude de réunir mes amis avant l’été. D’habitude nous sommes dans mon jardin sous les tilleuls en fleurs… Aujourd’hui je vous remercie d’être venus aussi nombreux pour moi et d’avoir fait bon accueil à mon livre. »
C’était un plaisir, Maurice, de partager avec toi ce moment délicat, peut-être angoissant, que celui où tu laisses le livre entre les mains du lecteur. Il n’est plus le tien, il fera son chemin sans toi. Le livre commence son voyage aujourd’hui.
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Le livre de Maurice Delaigue est en vente au bar du Régent, à Coye-la-forêt.
* La présentation de « Coye… de fil en aiguille »
http://coye29.com/blogs/blog6.php/2015/06/22/coye-de-fil-en-aiguille
* Le journal « Ce soir » : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ce_soir
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