Larmes de crocodile
Le féminisme, de l'origine de l'humanité au transhumanisme
De, et avec, Fanny Catel et Jean-Noël Françoise
Bruissements de feuilles et pépiements d'oiseaux. Dans l'obscurité apparaissent, faiblement éclairés, un homme et une femme, éloignés à cour et à jardin, dont on ne voit que le torse. Nu. Ils se parlent à voix douce, et sont dans l'exploration et la découverte émerveillée du corps de l'autre. Nous sommes au paradis terrestre. "Là, tout n'est qu'ordre et beauté / Luxe, calme et volupté." Mais chacun sait que ça n'existe pas, le paradis terrestre ! Une musique se fait entendre, forte, puissante, fracassante, en un mot virile. Celle, bien connue, de Zarathoustra de Johan Strauss dans 2001 L’Odyssée de l’espace. Sauf qu'ici, contrairement à l'évidence communément admise, c'est la femme qui revendique avoir touché le monolithe, s'être redressée pour transmettre la connaissance. Imagine-t-on que Homo erectus puisse être une femelle ? Alors voilà. En s'affranchissant de notre vision formatée par des millénaires de patriarcat, en revisitant l'histoire qui, jusqu'à présent, n'a été écrite que par les hommes, et en se posant quelques questions sur les relations de genre, il nous faut tout reprendre depuis le début.

Je retiens particulièrement une scène d'anthologie où le droit d'être importunée est inversé, comme renvoyé en miroir : c'est la femme qui drague l'homme, elle commence par des gentillesses et des flatteries et elle insiste, et elle continue, mais l'homme reste insensible, alors la femme se vexe, se fâche, s'énerve, le ton monte et ça se termine en un flot d'injures haineuses éructées par la femme hors d'elle. Voilà, messieurs, ce que les femmes peuvent subir lorsqu'elles refusent les avances d'un homme.
En fond de scène sur un tableau noir, quelques dessins viennent s'inscrire, comme sur les parois des cavernes préhistoriques, puis quelques dates qui servent de repères, quelques maximes, notamment en gros sur toute la surface : AUCUN TYRAN N'A JAMAIS RENONCÉ À SA TYRANNIE À MOINS D'Y ÊTRE OBLIGÉ. Qu'on se mette bien ça dans la tête ! Cependant entrecoupé de chansons et de petites phrases espiègles, le spectacle est malicieux et sans didactisme, simplement il y a quelques vérités qui sont toujours bonnes à rappeler.
Cependant quel est l'avenir de l'humanité si les femmes, revendiquant légitimement le droit de disposer de leur corps, refusent à l'avenir de porter leurs enfants, si les bébés ne sont plus seulement fécondés dans des éprouvettes, mais fabriqués dans des machines, et pourquoi pas, expédiés dans l'espace ? Un féminisme radical ou extrémiste risquerait de nous faire perdre notre humanité. Sous des apparences de légèreté (cf. sur le tableau noir la conversation en dessin animé entre une vulve et un pénis), le spectacle nous invite à l'amusement mais aussi à la réflexion. En passant, nous apprenons que phallus et fascisme sont deux mots qui ont la même étymologie. Tiens donc !
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1 commentaire
Commentaire de: Marie-Louise Visiteur
Ce qui est bien sur le blog c’est que, si l’on ne va pas au Festival, il y a un article qui arrive souvent pour tout vous dire sur la pièce de la veille. Et c’est passionnant ! Et l’on se dit qu’on aurait dû aller au théâtre…