ÉTRANGES ÉTRANGERS
Lecture théâtralisée
Par les compagnies Calliope et René Loyon.
En préambule au 38e festival théâtral et avec le soutien de la bibliothèque municipale, onze comédiennes et comédiens des compagnies Calliope et René Loyon nous ont offert un spectacle inédit au centre culturel ce dimanche 28 avril.
Une centaine de spectateurs étaient présents pour écouter ces comédiens interpréter une vingtaine de textes sur les migrants, celles et ceux qui quittent leur pays et leurs proches en quête d'un avenir meilleur... et sur le regard que nous posons sur eux.
Parmi ces textes, le poème de Prévert "Étranges étrangers" qui a donné son nom au titre du spectacle, et des extraits du recueil "Bienvenue ! 34 auteurs pour les réfugiés" écrit en 2015 en partenariat avec le HCR, suite au choc provoqué par les images d'un enfant syrien retrouvé mort échoué sur une plage.
Des textes d'auteurs français ou étrangers, récents ou plus anciens, des écrivains, des journalistes, des artistes dont certains - comme nombre d'entre nous - ont été eux-mêmes des migrants à une époque de leur vie ou qui sont issus d'une famille ayant connu l'exil, ou qui ont croisé des migrants : Brassens et sa "Chanson pour l'auvergnat", Fernand Reynaud et son sketch sur le douanier qui n'aime pas les étrangers dans un village français qui va se trouver privé de pain pour avoir rejeté l'étranger... qui était le boulanger du village !
Des textes qui nous interpellent, qui nous font regarder la réalité crue en face, qui nous interrogent sur notre comportement :
"Baignade interdite" de Philippe Claudel, dans lequel deux personnages dialoguent en observant le spectacle de migrants noyés qui s'échouent sur une plage ou d'autres, debout sur une embarcation : "On dirait qu'ils marchent sur l'eau, comme Jésus-Christ !".
"Lundi matin" de Minh Tran Huy, qui nous conte le cheminement de 58 jeunes asiatiques qui, au bout de leur voyage d'Asie en Europe pour rejoindre l'Angleterre, sont retrouvés asphyxiés dans un train de marchandises.
"Les rescapés" de Marie-Christine Navarro, d'après des témoignages, dans lequel deux migrants, mari et femme, peut-être les seuls rescapés d'un naufrage, nagent pendant neuf heures dans l'eau glacée parmi les méduses au large des côtes grecques avant d'être recueillis au petit matin sur un bateau turc. Ils iront rejoindre un camp de réfugiés et devront aller à la morgue pour identifier leurs compagnons de misère noyés.
"Défense et illustration du fragnol" de Lydie Salvayre, dans lequel l'auteure raconte comment sa mère, réfugiée dans un village du Sud-Ouest de la France après avoir fui à 17 ans la guerre civile espagnole, lui a appris à parler dans une langue - mélange de français et d'espagnol -, le "fragnol"...
Des articles de Julia Pascual dans le journal "Le Monde" en novembre 2018 sur la vie de ces centaines de migrants à Calais, à Grande-Synthe, à Paris, qui dorment dans la rue, dans un parc, sous un pont, près du périphérique, qui font la queue à la Préfecture pour leur demande d'asile ou devant un camion de Médecins du monde pour une consultation médicale et qui sont dispersés par la police...
Beaucoup d'autres textes et pour finir, un dernier qui fait du bien et qui nous réconcilie avec l'humanité : "Des actes à Calais, et tout autour", des témoignages recueillis depuis l'été 2017 sur les nombreux actes de fraternité, d'hospitalité en France, des actes quelquefois risqués dans notre pays : des retraitées qui hébergent des sans-papiers irakiens, afghans avec leurs enfants, d'autres qui accompagnent un migrant au tribunal, qui collectent des vélos pour des réfugiés, qui offrent des repas, qui permettent à des migrants d'avoir un accès à Internet, une coiffeuse anglophone qui fait des traductions... Ces témoignages ont fait l'objet d'un livre dont les droits d’auteur devaient servir dans leur intégralité à améliorer le quotidien des rescapés à bord de l’Aquarius, navire de sauvetage en mer affrété par l’association SOS Méditerranée...
Mais point besoin d'aller chercher à Calais ou ailleurs en France des actes de solidarité : on les trouve ici, à Coye-la-Forêt, dans le Domaine des Trois Châteaux, centre d'hébergement d'urgence de la ville de Paris, dans lequel près de 200 personnes, des femmes et des familles avec enfants - migrants pour la plupart - sont hébergées, envoyées par le Samu social de Paris. De nombreux bénévoles de l'association "Solidarité Coye" y interviennent pour donner des cours de français, pour une aide aux devoirs des enfants scolarisés, dans une classe d'éveil pour les petits, dans un atelier couture et tricot, pour des activités culturelles, des collectes de vêtements... Avis aux amateur-e-s !
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1 commentaire
Commentaire de: Marie Louise Membre
Dans une lecture le texte a tout son poids. Rien ne détourne l’attention aux mots, elle n’est pas distraite par des jeux de lumière, la musique, des rebondissements, des entrées de personnages, des jeux corporels. Le spectateur n’a que le plaisir des mots portés par une voix. Onze voix se sont succédé, portant chacune une émotion différente . D’où la grande richesse de la réalisation qui a évité toute monotonie en variant les tons, les narrateurs, les registres. Les comédiens s’écoutaient les uns les autres, et nous les écoutions, surpris ou émus par ce que chacun donnait de lui-même. C’était beau.