Éclairage intermittent et culture permanente
Deux réunions publiques cette semaine à deux jours d'intervalle : mercredi 24 avril, la municipalité organisait une réunion d'information sur le thème de l'éclairage public et de la pollution lumineuse ; vendredi 26 avril, l'association Coye en transition conviait à une conférence sur la permaculture. Les problématiques environnementales sont visiblement à l'ordre du jour.
Malheureusement, assez peu de monde, mercredi, pour écouter François Deshayes annoncer officiellement la décision prise par le conseil municipal d'éteindre l'éclairage public sur tout le territoire communal entre minuit et six heures du matin, à partir du 1er juin prochain. La motivation n'est pas d'ordre économique, nous explique-t-il : en effet le remplacement depuis quelques années des anciens réverbères par des nouveaux de plus faible hauteur et à lampes électroluminescentes (led) a permis de réduire de moitié la consommation d'électricité. Donc l'extinction des feux dans le milieu de la nuit n'entraînera qu'une économie financière relativement marginale. Non, et notre maire insiste bien, sa motivation est tout autre : on ne va pas dire "écologique", car le mot visiblement est encore vilain, mais il s'agit bien, fondamentalement, de préservation de la biodiversité.
Une représentante du parc naturel régional est là pour nous expliquer comment l'éclairage la nuit est catastrophique pour la faune et la flore, comment il tue massivement les insectes, désoriente les oiseaux migrateurs, constitue des barrières infranchissables pour certaines espèces, perturbe le rythme circadien non seulement des plantes et des bêtes, mais également des êtres humains, pouvant notamment entraîner des perturbations du sommeil et donc des répercussions sur la santé en général.
Une conseillère municipale d'Asnières-sur-Oise, où l'extinction de l'éclairage public au cœur de la nuit a été adopté depuis une dizaine d'années, nous fait part de cette expérience grandeur nature et sur le long terme, soulignant son caractère positif, au point que les plages horaires d'obscurité ont été rallongées au fil des ans par rapport à la décision initiale.
Enfin répondant aux inquiétudes des citoyens craignant des problèmes d'insécurité, le commandant de la gendarmerie d'Orry-la-Ville invoque des statistiques favorables ; il fait le pari d'une baisse des vols de voitures et en explique la raison : les malfaiteurs, pour agir, ont besoin de lumière. Si l'éclairage public est absent, ils sont obligés d'avoir leur propre lampe, de sorte qu'ils se font immédiatement repérer. C'est eux pour le coup qui se trouvent en insécurité. La démonstration est convaincante et seule une peur irraisonnée (et irrationnelle) du noir peut empêcher de l'entendre.
Les coûts environnementaux, sociaux ou sanitaires de cette perte du noir étant désormais connus et de plus en plus souvent dénoncés, notre maire, au nom de l'intérêt général (et c'est le rôle d'un maire de définir et défendre l'intérêt général), notre maire a pris cette décision courageuse de quotidiennement redonner à notre territoire six heures de vraie nuit. Tout en regrettant que les idées et les prises de conscience progressent trop lentement, on ne peut que se réjouir que cette mesure soit enfin adoptée, alors qu'on en parle à Coye-la-Forêt depuis plus de dix ans (le PNR avait déjà animé une conférence sur le sujet il y a une dizaine d'années).
Dans la salle, Yves Dulmet, adjoint au maire, intervient pour souligner que la pollution lumineuse n'est pas uniquement causée par l'éclairage public, mais que les privés aussi en ont leur part. Chacun à son niveau est invité à prendre ses responsabilités et, pour ce qui concerne les commerces, à se conformer à la loi qui prescrit d'éteindre la nuit les vitrines et les enseignes.
Notre maire était visiblement déçu de ne voir dans la salle à peu près que des administrés favorables à cette mesure, car il espérait ce soir faire œuvre de pédagogie le plus largement possible. Certes les préoccupations environnementales sont aujourd'hui largement partagées. Mais pour autant François Deshayes sait qu'il se prépare, au 1er juin, à devoir répliquer à des réactions hostiles, ou à tout le moins incrédules, d'une bonne partie de ses administrés, quand on sait qu'une très grande majorité de Français continuent à penser que l'éclairage public est un enjeu de sécurité. Il faut donc un certain courage politique pour imposer cette décision et nous le saluons.
Vendredi, en salle 2, la jeune association "Coye en transition" accueillait Grégory Derville, maître de conférences et chercheur en science politique à l’Université de Lille pour nous parler de permaculture. Il faut savoir que Grégory Derville, désireux de s'engager de façon concrète pour une société plus respectueuse des écosystèmes et des humains qui les habitent, est lui-même l'un des animateurs du mouvement "Beauvais en transition".
Ce terme de "permaculture", mot-valise formé de "permanent" et "culture", contrairement à ce qu'on croit le plus souvent, n'est pas simplement une technique de jardinage écologique, mais plus globalement une philosophie, un art de vivre, qui s'applique à tous les domaines : habitat, transport, santé, éducation, habillement, gestion des ressources et notamment de l'eau, etc. Il s'agit d'introduire de la durabilité dans chacun de nos comportements, en recherchant des solutions généralisables à la fois dans l'espace et dans le temps. Notre modèle doit être la nature dont les écosystèmes sont à la fois durables, autonomes et résilients (avant que l'homme ne vienne définitivement les perturber, voire les détruire). L'exemple par excellence est la forêt primitive qui s'est introduite, a prospéré et s'est entretenue toute seule. Dans la nature, il n'y a pas de déchets, tout est constamment recyclé, réutilisé dans ce que l'on appelle un écosystème. C'est de cela que nous devons nous inspirer.
Avec beaucoup de calme et un brin d'humour, un peu de malice dans les yeux et beaucoup de bon sens, Grégory Derville nous a expliqué que sa réponse la plus fréquente aux questions qu'on lui pose, c'est : "ça dépend". Il n'y a pas de recettes qui seraient applicables universellement. Ça dépend du but recherché, du temps, de l'espace, des ressources, dont on dispose. À chaque situation concrète, il faut trouver la solution la plus adaptée qui doit être simple, efficace, durable, écologiquement responsable et facilement transposable, et donc de fait, bon marché et applicable par tous. Le prototype de l'aménagement permaculturel est –Grégory Derville le dit sans ironie même s'il n'ignore pas qu'il est un rien provocateur – la "toilette sèche", qui peut s'installer partout et à peu de frais.
Parfois le mieux est de ne rien faire. Au lieu de mettre du produit qui tue les limaces et du même coup fait disparaître le prédateur des limaces, ce qui risque d'entraîner toute une série de conséquences en chaîne qu'il ne maîtrise pas, le jardinier devrait pouvoir accepter que les limaces mangent quelques-unes de ses salades !
Ainsi la permaculture est un état d'esprit qui nous invite à adopter un positionnement bienveillant dans notre rapport au monde, aux autres et à nous-mêmes, à être dans une posture d'observation constante, à envisager les opportunités favorables plutôt qu'à s'enfermer dans les problèmes, à considérer les situations dans leur ensemble plutôt que par secteurs séparés les uns des autres.
"Il n'y a que les paresseux qui travaillent bien". Je ne résiste pas à l'envie de citer cette phrase que disait ma mère, peut-être permacultrice sans le savoir. Le paresseux cherche à limiter ses efforts, il ne fera que ce qui est strictement indispensable et donc il réfléchit avant d'agir. Il ne se jette pas à corps perdu dans une vaine agitation, où il faut faire, et refaire et recommencer parce que les objectifs n'ont pas été clairement définis et les moyens d'y arriver suffisamment pensés.
Dans une société absurde où l'on marche sur la tête, où sont valorisés la vitesse et l'action, le plus vite et le plus loin, dans ce monde frénétique du jamais assez et de l'insatisfaction permanente, la permaculture est une forme de sagesse qui nous amène à ralentir, à nous interroger sur notre façon de consommer, à nous orienter vers des technologies douces et fondamentalement à changer nos modes de vie.
Pour finir la semaine, nous étions invités dimanche à une lecture sur le thème "Étranges étrangers", organisée conjointement par la bibliothèque et le festival théâtral.
Quand le ciel étoilé nous redonne notre place dans l'univers, quand la permaculture nous permet de prendre soin de notre petite planète, il serait vain de se soucier d'environnement si nous ne prenions pas soin également des êtres humains qui y vivent.
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2 commentaires
Commentaire de: Charpiot thierry Visiteur
Commentaire de: Marie Louise Membre
C’est beau un village la nuit…
Au mois d’octobre, c’était le Jour de la nuit. Tous les réverbères seraient éteints, avait-on dit, et près du stade, on devait observer les étoiles…
J’étais partie de chez moi, à pied bien sûr, pour découvrir la nuit. Ce fut une promenade magique parmi les ombres. La marche est plus lente qu’à l’accoutumée, les sens sont en alerte, ne pas manquer une bordure de trottoir, repérer l’obstacle, observer les contours des arbres et buissons, écouter les bruits, les frôlements… Pour gagner le stade j’avais choisi de prendre par le sentier qui relie le chemin des loups à la halle des sports, jalonné par des blocs de rochers. Dans la nuit et la solitude je me sentais en pleine campagne. La nuit me faisait entendre le silence. Car personne ne s’était aventuré en ces lieux, personne sur le stade, là où les astronomes auraient dû se trouver pour l’observation des étoiles. Mais quelques nuages dans le ciel en masquaient une bonne partie. À cette heure-ci, l’obscurité n’est pas totale car des rais de lumière filtrent encore entre les volets, des fenêtres sont allumées. Curieuse impression. On est dans le noir, comme on dit, et à côté de soi, dans la lumière d’une lampe les autres vivent et parlent, dans les jardins on entend des rires, une fête qui se termine. On ne voit pas la vie des autres, on la devine, on l’imagine.
Quelques habitants ont oublié la nuit et ont éclairé leur jardin de projecteurs, des vitrines sont restées allumées, le charme est rompu. Il fait encore chaud et au restaurant, on dîne en terrasse. Il aurait fallu des bougies… un dîner aux chandelles…
Quelle chance nous avons maintenant à Coye de pouvoir dès minuit aller marcher dans les rues bien noires du village. Les soirs d’été, nous verrons toutes les étoiles, et les nuits de pleine lune…
Très jolie conclusion à votre article Jacqueline.