Deuxième semaine
Le 44e festival se poursuit avec des salles toujours bien pleines, voire débordantes. Année après année, on ne peut qu'admirer et se réjouir que ce miracle se poursuivre.
La deuxième semaine commence par un spectacle très clivant ("Les Héroides", certains trouvent que c'est moche, vulgaire et gratuitement provocateur ; d'autres au contraire que c'est salutaire, très drôle et décoiffant), tandis que le lendemain "Les petits chevaux du Lebensborn" sera très consensuel : un sujet grave et un traitement correct.
Ainsi les jours se suivent sans se ressembler.

Mercredi , pour une fois la salle était loin d'être comble. Est-ce qu'au lieu d'attirer les spectateurs, le fait de répéter que Jon Fosse était prix Nobel de littérature les a plutôt intimidés ? Est-ce le thème qui a fait peur ? C'est dommage car le spectacle "Je suis le vent" était "un pur diamant", avec des lumières, une scénographie et une chorégraphie de toute beauté. Le texte, minimaliste comme toujours chez Jon Fosse, aurait pu se dire en norvégien non sur-titré ! On se serait, tout pareil, laissé embarquer dans ce voyage, par la poésie de la mise en scène, la diction des acteurs, leur danse envoutante, la musique, la magie des images sur le plateau transformé en miroir noir.

Comme il est de tradition, le festival s'est terminé par une pièce de La lucarne, "La folle de Chaillot" de Jean Giraudoux, la seule pièce en costumes (très beaux d'ailleurs) avec onze comédiens sur scène, ce que, bien sûr, les compagnies professionnelles ne peuvent pas se permettre de nos jours.

Chaque année, on constate qu'il y a des modes : parfois, c'est l'emploi de la vidéo, d'autres fois l'envoi de brouillard sur la scène... Cette année, la mode était au déshabillage, comme si se mettre torse nu était le summum de la liberté ou de la provocation. Ni l'un ni l'autre, dès lors que ça devient banal. Quant aux thèmes, trois pièces portaient explicitement sur le féminisme ("Larmes de crocodile", "Les héroïdes", et "Revolt she said"), une autre abordait de façon directe, dans sa troisième partie, le problème du patriarcat ("Une histoire subjective du Proche-Orient") de sorte qu'au bout du compte ça finit par faire poncif. Bon d'accord, on a compris, il ne faudrait pas venir tous les jours !
Certes il y a les matinées pour les scolaires mais il n'y a pas eu de vrai spectacle à voir "en famille", c'est-à-dire auquel tout le monde trouverait du plaisir. Les spectacles classés "Tout public" ne répondent pas vraiment à ce critère, et peuvent parfois, même s'il ne comportent rien de choquant ou de violent, être franchement ennuyeux pour les enfants.
À deux ou trois reprises (et il en est ainsi régulièrement tous les ans) est revenue cette question (notamment quand le discours est politiquement engagé, c'est-à-dire, soyons clair, quand il est engagé à gauche) : est-ce que c'est du théâtre ? À une époque certains disaient : le jazz, ce n'est pas de la musique (c'est du bruit), ou Picasso, ce n'est pas de la peinture (c'est du barbouillage). C'est pareil pour le théâtre : on n'a pas forcément des personnages, une trame narrative, des costumes ... Mais dès lors qu'il y a un comédien sur scène qui se donne en spectacle, qu'il y a une présence humaine, c'est du vivant, c'est du théâtre !
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