La crèche polaire de Paul
Le sapin se voit de loin dans le quartier. À son faîte, l'étoile bleue nous sert de guide dans ce voyage lointain vers l'Arctique. Les années précédentes, Paul m'avait déjà montré la crèche sur le rocher de Bonifacio, ou dans les ruelles d'un village de Provence et même, la dernière fois, entre les temples de Petra. Mais au pôle Nord, qui aurait pu y penser ?
Ce fut chaque fois un voyage étonnant. J'étais curieuse de voir ce que le poète artisan aurait imaginé cette année, ma petite fille avait voulu en être, tant les crèches de Paul la ravissent.
Dans le salon, le sapin de Noël est fin prêt, blanc et argenté il luit doucement...
Mais on l'oublie bientôt, notre regard happé par le mur de glace et la blancheur d'une banquise qui s'étale sous nos yeux, cernée par les vagues de l'océan d'un bleu vert profond aux couleurs changeantes.
Le regard glisse sur la glace... rien ne l'arrête, ni arbre, ni rochers ni routes bien sûr. Juste la blancheur, l'épaisseur des murs de glace qui se fissurent et se creusent, les ouvertures de galeries où l’on devine des grottes. C'est dans l'une d'elles que se place naturellement la crèche, comme un cocon protecteur pour l'enfant emmitouflé dans des peaux, et vers la lumière de laquelle vont converger les habitants d’un village d’igloos.
Car tout un peuple vit là, qui se nourrit de la pêche et de la chasse. Les hommes tiennent le harpon, trouent la glace pour y attendre des proies, naviguent dans les canoës. Ce qui intéresse Paul c’est moins la crèche en elle-même, refuge de la famille et de l’enfant, qui n’occupe qu’une toute petite surface de la scène, que le monde qui l’entoure et la vie des hommes dont il saisit un instantané.
Dans ce monde glacé rien n'est figé. Des dizaines de manchots glissent, bondissent, plongent dans l'océan ou en jaillissent. Les hommes sont représentés dans leurs déplacements ou avec leurs gestes du quotidien. Un couple de loups blancs sur les hauteurs domine la scène. Ce sont les protecteurs des hommes, dit Paul. Dans le lointain, l'ours blanc s’avance ; dans la crèche un orignal. A la recherche des surprises, notre regard va et vient pour tenter de voir tous les personnages, jusqu’aux plus petits à l’arrière-plan, au fond des galeries. Paul tient à la perspective !
Au premier plan de sombres silhouettes nagent dans les profondeurs de l’océan que nous surplombons du regard. Ma petite fille fait remarquer :
- Il y a même des animaux dans l'eau ! On dirait qu'il y a plusieurs couches de plastique pour faire croire qu’il y a de l’eau.
Avec plaisir Paul tient à donner des informations sur ses techniques de travail :
- Effectivement, pour donner l'impression de profondeur et de mouvement, j'ai superposé des feuilles de papier cristal, en les maintenant à distance l’une de l’autre par des tasseaux, sur lesquels j’ai fixé des îlots de glace qui ont ainsi l'air de flotter sur les vagues.
- Il n'y a pas de santons cette année.
- Non, j'ai commencé dès le mois d’août par dessiner les personnages sur du papier. Je les ai découpés et collés sur un support de papier plus épais, puis j'ai glissé un fil de fer très fin entre les couches, ce qui m’a permis, en courbant la figurine, de simuler un mouvement, notamment pour les manchots qui se courbent en plongeant. Je voulais une scène animée. Donc cette année je n’ai pas de santons, tout est dessiné, et le mouvement est essentiel.
Nous l’avions déjà constaté, Paul n’aime pas acheter ce qui compose sa crèche. Il préfère imaginer, créer, fabriquer. C’est avec du polystyrène qu’il a donné l’illusion de la glace, il a taillé le matériau, découpé, scié, superposé les couches pour figurer les strates, tant creusé parfois que la glace se fait dentelle.
Paul se plait à dire que ses paysages ne sont pas réalistes. Et la crèche polaire l’illustre bien, c’est un rêve de crèche, c’est un rêve de monde polaire auquel Paul pensait depuis quelques années. Et nous sommes heureux qu’il l’ait matérialisé … pour que l’on puisse rêver aussi, ébloui par l’éclat d’un univers qui ressemble à celui d’un conte et qui en a la puissance. On voudrait tant qu’il survive...
Galerie Photos : La crèche polaire de Paul
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C’est la quatrième fois que je suis invitée à venir voir la crèche de Paul. Chaque fois j’ai été transportée dans un monde nouveau, très différent de celui de l’année précédente.
Cette année on est projeté dans un monde de froidure, éclatant de blancheur, et qui est en train de s’écrouler, de disparaître peut-être… Quoique le créateur s’en défende, dans le détail, la confection et la peinture très minutieuse des personnages et des animaux, leur mise en couleur et en mouvement suscitent autant l’admiration que la composition d’ensemble, avec ses volumes savamment agencés, ses perspectives, ses échappées… Décidément c’est impressionnant !