Alzheimer vaut bien une soirée !
Trois psychologues professionnelles et un bénévole très impliqué sont venus nous parler de la maladie d’Alzheimer au centre culturel le 19 septembre 2009.
Nous étions autour de 30 personnes vendredi soir à écouter attentivement trois psychologues (une psychologue clinicienne et deux neuropsychologues) du service de gérontologie et de gériatrie de l’hôpital de Senlis, accompagnées d’un « grand témoin » particulièrement engagé sur le sujet de la soirée : Alzheimer et plus généralement les maladies neurodégénératives.
La réunion, organisée par la mairie, démarre à 20h45 par une introduction de Madame Virgitti, maire-adjointe, qui remercie les intervenants et présente les excuses de Florence Woerth, chef de service à l’hôpital de Senlis, empêchée.
Chaque intervenant se présente ensuite rapidement :
- Madame Rébecca Hagedorn, psychologue clinicienne, travaille avec les personnes âgées depuis 20 ans. S’occupe plus particulièrement des souffrances psychiques des personnes.
- Madame Anne Walter, neuropsychologue chargée des consultations mémoire qui allient les tests et les examens du type IRM ou scanner si nécessaire pour préciser les troubles ou conclure à l’absence de trouble pathologique. Les consultations durent entre 1 heure et 1 heure et demie.
- Madame Emilie Céolin, neuropsychologue (responsable d’un accueil de jour à l’hôpital de Senlis qui doit ouvrir en janvier 2010).
- Monsieur Grard, témoin directement concerné et engagé. Il met à disposition un appartement à Gouvieux pour faire de l’accueil de jour (une dizaine de places) avec des personnes compétentes professionnelles et bénévoles. Sa femme a été diagnostiquée Alzheimer à l’âge de 52 ans. Il a été amené à créer cette structure car il n’y avait rien à l’époque. Elle a un double but : organiser des occupations adaptées aux patients et les resocialiser, car la maladie enferme, et également créer un groupe avec la famille qui accompagne les malades. Cette structure est une aide pour les personnes qui ont des réticences à placer le ou la malade en institution malgré les difficultés grandissantes. Elle peut constituer une période de « préparation » pour le malade comme pour la famille.
La réunion est organisée sous forme de questions-réponses. Madame Virgitti pose les premières questions pour lancer les échanges qui vont durer près de deux heures, le public prenant le relais sans difficulté. Les questions sont nombreuses, les réponses sont précises et argumentées. Elles dressent progressivement pour les profanes le début d’une meilleure compréhension de la maladie et du rôle de l’entourage. Peu à peu, une éthique se dégage des propos.
Privilégier le respect de la personne malade et le plus possible son autonomie apparaît comme la voie la plus constructive pour guider la famille et adapter au mieux ses comportements envers les malades.
Il n’y a pas si longtemps, ces malades étaient étiquetés « déments ». Le constat de démence, qui se situait entre la psychiatrie et la gériatrie, n’intéressait personne, ce qui entraînait des comportements littéralement inhumains.
Le diagnostic
Quand peut-on diagnostiquer la maladie, à quel stade ? Quels sont les signes avant-coureurs ?
Quand ça devient gênant, avec des choses flagrantes pour l’entourage. Des changements de caractère, de la tristesse ou de l’irritabilité peuvent alerter. Mais il s’agit de maladies complexes car elles dépendent de la personnalité de chacun, de son vécu, de ses joies, de ses espoirs... Les mêmes faits ne sont pas gênants de la même manière pour tout le monde. Rien n’est systématique, ce sont les tests qui permettent de préciser.
Mais il faut faire attention, oublier où on a posé ses lunettes ou ses clefs, ne pas se rappeler ce que l’on est allé chercher dans une autre pièce, cela arrive à tout le monde et à tout âge ! Il ne faut pas s’affoler sous prétexte que l’on parle beaucoup de la maladie d’Alzheimer actuellement !
On entend parler d’antécédents familiaux ?
Pour l’instant on peut dire que non, les antécédents familiaux n’impliquent pas un risque différent d’être atteint ou non, même si la recherche se penche toujours cette question. Par contre, il y a des facteurs de risque qui sont liés à certains gènes. Il arrive que des familles entières soient touchées par la maladie. L’hygiène de vie est très importante dans le processus d’apparition de la maladie.
Le diagnostic est-il plus difficile dans certains cas particuliers ?
Le diagnostic n’est jamais un diagnostic de certitude. L’histoire de vie de chaque patient a une grande influence sur la forme prise par la maladie. En outre, les troubles ont souvent des origines mixtes : Alzheimer, Parkinson, accident vasculaire cérébral (AVC). Mettre une étiquette n’est pas le plus important, ce qui compte c’est d’entreprendre un parcours de soins adapté à l’état du patient et de rompre l’isolement. La solitude, c’est la pire chose pour le patient et la famille. La solidarité, les amitiés qui se créent dans les groupes qui réunissent patients et aidants sont très importantes.
Peut-on parler de prévention ? (56’)
Une étude américaine a montré que le sport, de la natation, des promenades, entretenir un tissu social favorisent la prévention ; comme tout ce qui aide à savoir s’adapter à des situations diverses et faire travailler la mémoire.
Les malades ont souvent rompu tout lien social. On constate que participer au groupe améliore l’état des personnes. Au fil du temps, on voit se développer la joie de partager, de chercher ensemble ce qui fait le mieux marcher notre mémoire. On travaille souvent sur des sujets de culture, où tout le monde apprend, quels que soient son origine sociale et son statut dans le groupe (professionnel ou patient). C’est le plus important. On a souvent des résultats exceptionnels grâce à ces échanges respectueux des uns et des autres, où tout le monde apprend, et où personne ne se pose en « dispensateur de savoir ».
Quelles sont les phases de la maladie ?
Un cas particulier est décrit :
- cela a commencé par des problèmes d’orientation, de mémoire ;
- puis le patient ne sait plus faire des choses courantes, comme faire à manger ;
- puis vient la perte d’autonomie : ne plus savoir se laver, tenir une fourchette, l’incontinence s’installe, ne plus savoir marcher, on ne reconnaît plus ses proches, juste des sourires fugaces, certains sont agressifs…
Mais il n’y a pas deux patients pareils. La maladie éloigne. Que ce soit la famille ou les relations, on arrive à se retrouver seul. Il y a 10-15 ans il n’y avait personne pour nous dire comment faire, alors que les problèmes sont nombreux, qu’ils soient d’ordre financier ou quotidien. La charge est usante, éprouvante, et pourtant il faut pouvoir tenir la distance. Une partie importante des aidants deviennent eux-mêmes malades. Quand cela arrive, il ne faut pas attendre pour demander une assistance ménagère et autre. Il faut que l’aidant prenne du répit.
Jusque quand le malade reste-t-il conscient ?
Jusqu’au bout… les soignants ont pu le constater maintes fois par des signes souvent fugaces mais très clairs. Une intervenante raconte un cas, et insiste sur l’importance d’agir toujours comme si la personne comprenait.
L’aide à domicile
Souvent, le premier réflexe des patients est de refuser l’aide. Un « truc » est de présenter l’aide comme en charge des gros travaux. Les aides professionnelles (aide à domicile) savent laisser faire par le patient tout ce qu’il peut faire. C’est très important de savoir « aider à faire » plutôt que de « faire à la place de » quand ce n’est pas absolument nécessaire.
Les soins
Les traitements et les stimulations ralentissent la progression de la maladie. L’intérêt de travailler en réseau, comme à Senlis, c’est d’orienter les patients vers des structures adaptées.
Il a été prouvé qu’une bonne prise en charge permet de préserver plus d’autonomie. Un des moyens utilisés est d’aider à retrouver des routines. Tout ce qui est routinier laisse une trace, des petits gestes peuvent revenir si on sait les solliciter.
Le maintien à domicile le plus tard possible est souhaitable, mais à un moment ce n’est plus tenable. Le problème aujourd’hui, c’est l’insuffisance des structures et le prix de celles qui sont ouvertes (1 700 euros par mois pour une personne dépendante dans une structure publique, 3 000-3 500 euros dans une structure privée). C’est hors de proportion avec les moyens de la plupart des patients. Il n’y a pas suffisamment de places dans les structures publiques, et les politiques ne semblent pas avoir conscience de l’ampleur du problème
Les aides à la famille
L’hôpital de Senlis a créé il y a 5 ans ce que l’on appelle les « journées mémoires » qui réunissent des personnes diagnostiquées Alzheimer avec en parallèle une journée dite « cours de soutien aux familles » organisée comme un groupe de parole qui a pour but d’écouter leurs soucis et leurs difficultés, de répondre à leurs besoins, afin que les choses se passent un petit peu mieux à domicile.
On constate souvent que cela se passe bien mieux quand les personnes de la famille comprennent pourquoi les personnes réagissent de telle ou telle manière, pourquoi elles ont telles réactions, tels comportements, et comment l’entourage peut (doit) réagir. C’est important car toute la suite des événements dépend de la manière dont l’entourage réagit.
L’hôpital a obtenu pour cette initiative un prix de l’innovation sociale au niveau régional et national.
Le choix d’une institution
C’est important de visiter un grand nombre de structures préalablement. Les plus chères ne sont pas toujours les meilleures. Le choix doit se porter vers une institution qui organise des activités.
Il ne faut pas hésiter à déposer un dossier de demande d’accueil compte tenu des délais (4 ans dans un cas présenté), même si on retarde ensuite la date d’entrée dans l’institution.
Il faut absolument prévoir une période de préparation, avec des visites et des participations aux activités, car il est indispensable que le patient puisse tisser des liens au sein de l’institution. Même si les échanges sont fugaces, ils laissent des traces. L’entrée dans une institution, sans expérience de ce type et sans préparation, a toutes les chances de très mal se passer.
Les investissements en cours dans la société
On a beaucoup de retard par rapport aux Canadiens, aux Belges, aux Suisses qui ont des années d’avance sur nous. Le pôle émergent de ces dernières années en France, c’est surtout le diagnostic. On commence seulement maintenant à s’intéresser à tout ce qui est prise en charge, alors que le premier accueil de jour ouvrait en Belgique il y a 15 ans.
Le nombre de personnes touchées par la maladie d’Alzheimer
Autour de 300 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Entre 800 000-900 000 personnes seraient aujourd’hui atteintes.
En conclusion, et pour souligner encore les messages importants, les intervenants ont cité quelques expressions que l’on devrait s’interdire de prononcer, car elles sont fausses et néfastes.
« Retour en enfance », car il ne faut surtout pas infantiliser la personne malade.
« Il le fait exprès pour m’embêter ». Même si les aidants ressentent souvent les choses comm cela au début de la maladie.
« Je te l’ai déjà dit », même après avoir entendu la même question pour la xème fois.
Ce compte rendu n’engage que sa rédactrice qui a tenté de résumer au mieux ce qu’elle a entendu et compris. Il ne comprend pas toutes les petites histoires vraies qui ont parsemé les interventions et participé à l’intérêt de cette soirée.
Nous adressons un grand merci aux intervenants et à la municipalité.
N’hésitez pas à faire des commentaires, compléter, contester… le blog est là pour cela.
photos : Bernard Varon
Petit guide édité par l’hôpital de Senlis
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