Les Travaux et les jours
de Michel Vinaver
Théâtre de la Lucarne
Mise en scène d’Isabelle Domenech
Comme un tableau pointilliste, le spectacle nous donne à voir par petites touches, le monde du travail des années 70 dans une entreprise familiale traditionnelle, « bien française ».
La pièce est un huis clos, le bureau du service après-vente de l’entreprise Cosson, où « vivent » ensemble le chef de service et quatre employé(e)s. Le reste de l’entreprise est présent au travers de leurs discussions : le service commercial apparemment mieux considéré que le SAV, la hiérarchie et ses petites intrigues pour prendre le pouvoir, l’usine des Vosges …
Les personnages sont chacun un stéréotype des collègues qu’on peut tous connaitre. Les rôles sont bien campés par les acteurs de la Lucarne. Les personnages sont crédibles et on a vite l’impression de les connaître. On imagine assez facilement leur vie quand ils rentrent chez eux le soir.
Petit à petit, l’image de l’entreprise se dessine et on voit poindre tous les concepts, pratiques, stratégies, éléments de langage, techniques de management qui ont présidé à la profonde transformation du monde du travail et de notre société plus largement. La recherche de l’efficience, les synergies, les fusions/acquisitions, la réduction des échelons, la rapidité, l’agilité, la réduction des coûts, ... Ces mouvements s’imposent aux employés et leur univers va devoir évoluer. Certains vont devoir chercher du travail ailleurs…
La pièce est assez équilibrée. Elle n’est pas une bête dénonciation du « capitalisme sauvage ». On sent plutôt une certaine nostalgie devant un monde qui est en train d’évoluer. On sent aussi un regard un peu amusé sur ces employés « dans un cocon » qui passent beaucoup de temps à papoter, pas très acharnés à la tâche …
L’écriture, apparemment simple, est une belle mécanique de précision qui fait s’enchevêtrer les dialogues du quotidien, comme dans la vraie vie et non pas comme au théâtre. C’est à la fois la force de cette pièce et peut-être aussi sa faiblesse car on peut être un peu déçu par l’absence de construction dramatique.
Au-delà de la qualité de leur jeu, bravo aux acteurs pour la performance technique car ce type de texte est très difficile à mémoriser !
La mise en scène est simple et fluide. Le décor et l’espace scénique sont bien adaptés.
Les intermèdes musicaux nous replongent dans l’époque et on y prend beaucoup de plaisir.
Merci à la Lucarne pour ce beau moment.
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2 commentaires
Commentaire de: Izabeille Visiteur
Merci pour cette très agréable soirée, très belle prestation des comédiens, il faut noter que le texte écrit par Michel Vinaver est absent de ponctuation, et que les dialogues qui s’entrecroisent sont d’un apprentissage difficile. Quel beau résultat ! Bravo à tous !
Commentaire de: Marie Louise Membre
Dans le flot des bavardages croisés des employées de bureau, le spectateur tentait de se frayer un chemin pour tenter de savoir qui était qui et de quoi l’intrigue serait faite. Cela demandait une très grande attention. Heureusement, la mise en scène a prévu des pauses musicales. Et là… dans le noir… détente, on voit passer les années 60-70 avec les chansons que nous avons écoutées et aimées, tout du moins les plus anciens d’entre nous. Il y eut Noir c’est noir - comment faire sans Johnny? -, Money, Money, Money, du groupe ABBA, Jean Ferrat – Je suis de ceux qui manifestent/ avec leurs gueules de travers (toujours d’actualité), et Jeanne Moreau du Tourbillon de la vie : On s’est connu, on s’est reconnu, on s’est perdu de vue… Quand revient la lumière, les jeunes filles ont de nouvelles robes pimpantes et l’on sait que les saisons et les années ont passé sans qu’on y prenne garde. Les certitudes ont basculé, les acquis se sont effrités, licenciements, compromissions… Au final ce n’est pas gai. Mais j’ai passé une très bonne soirée dans le tourbillon des réparties et des chansons : les comédiens ont assuré et la mise en scène a été inventive. Bravo à tous !