Résister c'est exister
Il est seul et il est tous les résistants
« depuis trois jours j’étouffe du silence, de honte »
il est le jeune homme qui veut devenir un héros et qui s’engage pour l’aventure
la femme de ménage qui balaie dans la caserne et jette le courrier dans l’égout
le torturé pendant six jours et six nuits « j’ai résisté j’ai pas parlé »
la mère qui berce son enfant, lui chante son amour avant de partir et qui sera décapitée
Il est l’épicier qui ne supporte plus le fils qui lui vole des sardines, qui voudrait bien le dénoncer mais renonce et donne sa vie
Il est le mineur en grève dans le nord en 1941 « des fusils, c’est des fusils qu’on veut »
le terroriste « en gilet tricoté par bobonne »
le lycéen de Lyon dont l’ami n’est jamais ressorti du commissariat parce qu’il s’appelait Goldstein
celui qui doit tuer l’allemand mais qui en tremble d’effroi parce que tuer un homme ça ne se fait pas comme ça
l’ouvrier agricole qui coupe les lignes téléphoniques « j’avais une pince j’ai osé »
le clown chansonnier qui décrit le fascisme comme une pathologie dont le « symptôme est un abondant écoulement de presse collaborationniste »
Parce que le sujet fait revivre avec gravité et émotion, humour aussi, ceux qui, pour des raisons très variées, ont rejoint la Résistance. Parce que ce n’est pas de la fiction et que les textes, bien sûr réécrits pour le théâtre, sont des témoignages authentiques. Les noms sont dits. Une époque, celle des gabardines et des chapeaux de feutre, celle de Pierre Brossolette qui rend hommage «aux soutiers de la gloire », de Joseph Kessel et du Chant des partisans, celle des étoiles jaunes….
La démarche, le geste, la voix, les traits du visage se font et se défont. Il joue dans un ballet parfaitement réglé de scènes très courtes, où ses personnages surgissent dans la lumière, vivent quelques minutes puis disparaissent dans l’ombre. Ne restent d’eux que leurs vêtements sur la scène, dépouilles qui nous rappellent qu’ils ont été vivants. La cinquième symphonie de Beethoven, rafales de mitraillette, coups de revolver scandent l’action, brutales transitions entre les lieux et les acteurs du drame. La force de l’acteur et sa conviction restituent une vie éphémère au personnage qu’il habite, mais aussi celui à qui il parle ou qu’il regarde, les lieux où ils passent - l’officier allemand dans la station de métro, la femme qui hurle dans la gare de Perpignan.
Mais la résistance ne disparaît pas. La fin du spectacle la prolonge aujourd’hui devant l’entrée d’une école : afin que la police ne puisse s’emparer des enfants pour traquer leurs parents sans papiers, un réseau s’organise. « C’est illégal ! C’est dangereux ! » dit quelqu'un.
C’était illégal et c’était dangereux.
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